Textes

Commentaires de Rachi des premiers verets de la Genèse

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. (Gn,1,1)

Au commencement Rabi Yits‘haq a enseigné : La Tora, [en tant qu’elle constitue essentiellement un code de lois], aurait dû commencer par : « Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois » (Chemoth, 12, 2), puisque c’est par ce verset qu’est édictée la première mitswa prescrite à Israël. Pourquoi débute-t-elle avec Beréchith ? « La puissance de Ses hauts faits, Il l’a révélée à Son peuple, en lui donnant l’héritage des nations » (Tehilim 111, 6). Ainsi, si les nations du monde viennent à dire à Israël : « Vous êtes des voleurs, vous avez conquis les terres des sept nations ! », on pourra leur répondre : « Toute la terre appartient au Saint béni soit-Il. C’est Lui qui l’a créée et Il l’a donnée à qui bon lui a semblé. (Cf. Yirmeya 27, 5). C’est par Sa volonté qu’Il les a données à ces peuples, et c’est par Sa volonté qu’Il les leur a reprises et qu’Il nous les a données ! » (Yalqout chim‘oni, Bo 187).

Au commencement, Eloqim créa Ce texte demande, en fait, à être explicité. C’est comme nos maîtres l’ont expliqué : Le monde a été créé pour la Tora qui est appelée « le “commencement” de Sa voie » (Michlei 8, 22), et pour Israël qui est appelé « le “commencement” de Sa moisson » (Yirmeya 2, 3). Mais si tu veux l’expliquer selon le sens littéral, fais-le ainsi : Au commencement de la création des cieux et de la terre, alors que la terre était tohou et vohou et que les ténèbres..., Eloqim a dit : « que la lumière soit ! » Ce texte ne vient pas nous donner l’ordre de la création, nous dire que ces éléments ont été créés en premier. Si tel était le cas, le texte aurait dû porter barichona (« en premier lieu »), car on ne rencontre jamais le mot réchith dans la Bible sans qu’il soit lié au mot suivant. Exemples : « Au commencement (beréchith) du règne de Yehoyaqim » (Yirmeya 26, 1), « le commencement (réchith) de son royaume » (infra 10, 10), « les prémices (réchith) de ton blé » (Devarim 18, 4). Ici, de même, tu dois expliquer : « Au commencement, Eloqim créa... », comme s’il était écrit : beréchith bero, « au commencement de l’acte de la création », à rapprocher de : « au commencement (te‘hilath) où Hachem parla à Hoché‘a » (Hoché‘a 1, 2), c’est-à-dire : « au commencement de la parole adressée par le Saint béni-Soit-Il à Hoché‘a, Hachem dit à Hoché‘a. ». Peut-être persisteras-tu à soutenir que ce qu’on nous apprend ici, c’est qu’ils [à savoir le ciel et la terre] ont été créés en premier, et que le texte veut dire : « au commencement de tout, Eloqim créa le ciel et la terre », car il arrive que certains textes bibliques, dans leur concision, omettent un mot, comme dans : « pour n’avoir pas tenu closes les portes du sein qui m’avait conçu » (Iyov 3, 10) où l’on ne précise pas qui les a fermées. « On emportera les richesses de Damas » (Yecha’ya 8, 4), où l’on ne dit pas qui les emportera. « Le laboure-t-on avec des bœufs ? » (‘Amos 6, 12), sans que l’on précise si c’est un homme qui laboure avec des bœufs. « Dès le début, j’annonce la fin » (Yecha’ya 46, 10), où l’on ne dit pas : « j’annonce dès le début des choses la fin des choses ». Dans ce cas, tu devrais être toi-même étonné, car les eaux ont précédé la terre, puisqu’il est écrit : « et le souffle de Eloqim planait sur la face des eaux » (verset 2), alors que le texte ne nous a pas encore révélé quand les eaux ont été créées. Il faut donc en conclure que les eaux ont existé avant la terre. En outre, les cieux (chamayim) ont été formés à partir du feu (éch) et de l’eau (mayim) ('Haguiga 12a). Force est donc d’admettre que le texte ne nous enseigne absolument pas l’ordre chronologique de la création (Beréchith raba 1, 6, Wayiqra raba 36,4).

Eloqim créa Il n’est pas dit : « Hachem créa », mais « Eloqim créa »... L’intention première de Dieu avait été de créer le monde selon l’attribut de justice, [Eloqim étant le nom de Dieu lorsqu’Il exerce la justice], mais Il s’est rendu compte qu’il ne subsisterait pas. Aussi a-t-Il fait passer au premier plan l’attribut de miséricorde [Hachem étant le nom de Dieu lorsqu’Il agit avec miséricorde] et l’a-t-Il associé à celui de la justice. C’est ainsi qu’il est écrit : « le jour où Hachem-Eloqim fit terre et cieux » (infra 2, 4) (Beréchith raba 12, 15).

 

Or la terre n'était que solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l'abîme, et le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. (2,2)

Tohou et vohou Tohou signifie étonnement, stupéfaction, l’homme étant frappé d’étonnement et de stupeur en présence du vohou. En français médiéval : « estordison ». Vohou signifie vide et solitude. La face de l’abîme A la surface des eaux qui étaient sur la terre. Et le souffle de Eloqim planait Le trône de la majesté divine se tenait dans les airs et planait à la surface des eaux grâce au souffle de la bouche du Saint béni soit-Il et par Sa parole, comme une colombe qui plane sur son nid (Beréchith raba 2, ‘Haguiga 15a). En français médiéval : « acoveter ».

 

Dieu considéra que la lumière était bonne, et il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres

 

Eloqim vit que la lumière était bonne. Eloqim sépara Ici aussi, nous devons nous référer à la hagada. Il vit que les scélérats ne mériteraient pas de profiter de la lumière, de sorte qu’Il la mit en réserve à l’usage des justes pour les temps à venir (‘Haguiga 12a). Quant au sens littéral, le voici : Il vit qu’elle était bonne et qu’il ne convenait pas que la lumière et les ténèbres assurent leur service dans la confusion. Aussi fixa-t-Il à l’une pour domaine le jour, et aux autres pour domaine la nuit (Beréchith raba 3, 7).