Il y a 100 ans ....
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Une expo : Paris dans la guerre

De superbes photos d'un homme dont j'ignorais jusqu'à l'existence, CHARLES LANSIAUX, prises à Paris dès le début de la guerre. On y voit notamment sur la photo choisie pour l'affiche, venant du Nord, des réfugiés fuyant les combats ; photo qui vient brutalement faire contraste avec la joie manifestée à l'idée de prendre sa revanche qu'il parvient à photographie durant les premiers jours d'Aoüt.

Révélatrices d'une époque à double titre : à nous montrer l'arrière et ce Paris qui, au moins dans les premiers temps de guerre, fut peu touché ; mais aussi parce que la Bibliothèque historique de la Ville de Paris songea dès le début et durant toute la durée de la guerre à acheter ces photos, montrant au mieux combien cette époque, résolument moderne, était aussi devenue celle de la représentation. Au même titre que le Service photographique des Armées couvrit toute la guerre quitte à faire rejouer des scènes après la bataille ...

On était entré dans l'ère de la mémoire, des traces.

Sans doute faut-il bien regarder - au delà de l'anecdote ou du fait brut - pour comprendre ce moment étonnant qui couvre la période. On dit juste, encore une fois, en affirmant que le XIXe s'achève en ce mois d'Août 14 et que le pays qui sortira du conflit en novembre 18 n'aura plus rien à voir. Les guerres précipitent les mouvements, engouffrent les destinées individuelles mais pas seulement : les cités, les idées.

C'est ce moment de bascule dans une modernité à tous égards terrifiante - mais pouvait-on alors le savoir ? - qui perce dans cette chronique de plus de quatre années où le photographe, l'air de rien, parvient à saisir les premiers soubresauts de la modernité qui télescopent les ultimes rémanences d'une société quiète et repue de traditions.

Le premier signe en demeure la profusion elle-même de photographies. Quarante ans auparavant, pour la guerre de 70, rien ou presque et pour ce qui concerne la Commune que des photos reconstituées, après coup. Des dessins, des tableaux, mais sur la guerre elle-même, rien ou presque. Ici, le trop plein. Au point qu'il soit malaisé de repérer dans cet amoncellement ce qui relève de l'instantané qui perce le secret du temps de la propagande qui néanmoins finit toujours par révéler par ce qu'elle exacerbe, ce qu'elle tente de cacher.

Avec le cinéma et la photo, l'histoire se voit offrir de nouvelles sources qui n'effacent pas les anciennes mais s'y superposent donnant à l'événement une épaisseur qui double celle de l'imaginaire.

C'est en tout cas bien cette croisée de deux époques, cet enfouissement des hommes dans un tourbillon qui les dépasse, que je cherche à saisir ; que l'on voit ici.