Il y a 100 ans ....

Le bolchevisme à l’épreuve de Brest-Litovsk

Le 7 janvier 1918, Léon Trotski (au centre, de profil), le nouveau chef de la délégation bolchevique chargée de négocier une paix séparée avec l’Allemagne, débarque en gare de Brest-Litovsk, accompagné de son prédécesseur à ce poste, Adolf Joffé (à gauche, avec le chapeau melon), et de Lev Kamenev (serrant la main). Ils sont accueillis par des officiers du Grand quartier général allemand sur le front de l’Est, qui s’est établi dans cette petite ville de Biélorussie occupée depuis 1915. Derrière la cordialité de façade, les enjeux sont immenses. Tout oppose la toute jeune Russie bolchevique et l’Empire allemand de Guillaume II.

Mais leur survie est en jeu. Au lendemain de la révolution d’octobre 1917, les bolcheviks se sont lancés dans un « forcing » pacifiste qui se heurte au jusqu’au-boutisme assumé de tous les belligérants. La paix séparée avec les puissances centrales est donc la seule solution. Un armistice est conclu, les négociations s’ouvrent le 3 décembre. Les bolcheviks, cependant, sont divisés. Pour l’heure, la stratégie de Trotski s’impose. Il plaide pour le retrait unilatéral du conflit dans l’attente de la révolution prolétarienne imminente dans l’Europe en guerre. Lénine combat ardemment cette position, mais il est encore minoritaire. Appuyé par Kamenev, il veut accepter les exigences allemandes pour sauver à tout prix la révolution.

Les Allemands vont les départager. Le « ni paix ni guerre » de Trotski désarçonne les négociateurs des Puissances centrales, des aristocrates et des généraux rompus aux usages de la « diplomatie secrète » condamnée par les bolcheviks. Dirigée par le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Richard von Kühlmann, la délégation allemande est sous l’autorité de fait du général Hoffmann, porte-parole du duumvirat Hindenburg-Ludendorff. La fin de la guerre à l’est, le grand roque pour ramener sur le front français les troupes aguerries et nombreuses qui feront la différence : voilà son objectif. Les circonvolutions idéologiques des bolcheviks, qui cherchent à gagner du temps, ne l’impressionnent pas.

Les pourparlers sont rompus le 10 février. Le 18, l’armée allemande reprend l’offensive. Elle progresse rapidement, Saint-Pétersbourg, russifiée en Petrograd en 1914, est menacée, et la stratégie de Trotski désavouée in extremis. Le 3 mars 1918, la paix de Brest-Litovsk est signée. Les clauses du traité, encore aggravées, sont d’une dureté extrême. De la Finlande au Caucase, l’ancien empire russe est amputé, rétréci. Mais la révolution vit, et Lénine l’a emporté. Le bolchevisme a survécu à sa première grande épreuve.