Il y a 100 ans ....
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Janvier 14

A regarder les photos de ce mois de janvier comment ne pas songer à leur incroyable légèreté et ressemblance avec les nôtres : au fond, si le monde a totalement changé en cent ans, la presse, non !

Du fait divers de la mort de Fragson, au retour de la Joconde en passant par la légion d'honneur de S Bernhardt ou au procès du chauffeur d'I Duncan après l'accident qui causa la mort de ses deux enfants, on reste finalement dans une actualité qui sort malaisément du fait divers.

A bien y regarder, quand même, le flot irrépressible des préjugés : ces ouvriers chinois dont on craint qu'ils ne menacent les emplois du prolétariat français, ces cours ménagers et d'hygiène que l'on donne aux jeunes filles employées des fermes, pour en faire des collaboratrices intelligentes, avisées et méthodiques, écrit l'Humanité, ce qui était traduire au mieux le préjugé de l'époque. Bientôt, avec la guerre, les femmes allaient prendre, par nécessité, des emplois habituellement réservés aux hommes. Non qu'elles ne travaillassent pas avant mais réduites au rôle de collaboratrice ici, ou aux emplois les moins qualifiés dans l'industrie. Subitement, elles apparaissent au grand jour, et se mettront à parler, parfois même à faire grève. Le grand mouvement de leur émancipation commence ici et ne s'arrêtera plus de longtemps dont la première femme ministre en 36, le droit de vote acquis en 44, l'égalité juridique puis la contraception et l'avortement seront les étapes. 14 est encore un monde d'homme, presque exclusivement. Dans cette délégation au mur des Fédérés en 1913, par exemple, on cherchera vainement une femme. Bientôt elles monteront sur les toits, conduiront des Tramways et cesseront de n'être que des ornements. Bientôt elles changeront, et celles que l'on verra après-guerre n'auront, même physiquement, plus rien à voir avec celles que la presse nous donne encore à voir en ce début de l'année 14.

Il faudra y revenir.

Oh bien sûr, ici et là, quelques photos du Kaiser ou de son gaffeur de fils, toujours représenté en habit militaire comme pour mieux leur confirmer l'allure menaçante !

Restent alors ces photos qui traduisent la réalité sociale.

J'aime à regarder cette photo d'une classe allemande qui ressemble tellement à ce qu'étaient les nôtres. Une quarantaine de gamins, à ce qu'il semble, une classe mixte, mais au fond, ce même jeu sage de bras levés, de mains posées sur le pupitre, de leçon avec carte à l'appui... Que l'actualité allemande pointe la difficulté du métier d'enseignant fait sourire : pas plus qu'en France à la même époque, où pourtant on fit de ces hussards noirs les soutiers de la République, on ne se résolut jamais à accorder à ce métier ni les moyens ni les salaires qui correspondissent à son enjeu. Les choses ont peu changé finalement en un siècle : les instituteurs de la IIIe survécurent en étant logé et en recevant des parents ces cadeaux qui leur permirent de se nourrir un peu moins mal. Leur succèdent des enseignants que l'on classe désormais dans les conditions modestes...

Mais rien décidément qui témoigne de la catastrophe à venir. Le regard est peu porté sur l'étranger, en tout cas rarement sur autre chose que l'Europe. Ce monde est encore très provincial, décidément.