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Il s'en fiche …

A l'accusation de piller les programmes de ses petits camarades, Macron invoque de Gaulle mais déclare surtout s'en contrefoutre rajoutant trois adverbes qui, pris chacun séparément, en disent long : royalement, totalement, présidentiellement …

Chose admirable, un candidat, sortant qui plus est, assume finalement de n'avoir pas d'idées propres, non plus qu'originales sans que cela le fasse dévisser dans les sondages, ou que son image en pâtisse.

Qu'on se comprenne bien : en toute logique ce qui fait la valeur d'une idée, d'une théorie, d'une proposition d'action tient à sa cohérence, à sa vérifiabilité, à son éventuelle générosité, à sa conformité avec les principes républicains - quand il s'agit de politique - certainement pas à celui qui la porte même si le parcours de ce dernier peut ou non ajouter de la crédibilité à l'idée.

Qu'un président, une fois élu, tente de rassembler derrière lui, ne serait ce que parce qu'il est alors le président de tous s'entend assez.

Mais ici, il s'agit d'autre chose. D'intentions.

Je ne crois pas au dépassement du clivage gauche/droite même s'il est vrai qu'il n'y a plus, pour le moment, de représentation partisane ni même parlementaire pour le rendre clair et visible. Je veux bien, comme l'illustra de Gaulle en son temps - Macron y fait ici allusion - qu'en chacun de nous s'agitent simultanément des tensions tantôt conservatrices tantôt progressistes - bref que nous voulions comme le dit l'adage à la fois le beurre et l'argent du beurre. Qui a jamais prétendu que nos comportements ou choix fussent totalement rationnels ?

Pour autant nier que les possédants défendent leurs intérêts, que les inégalités s'accroissent et que la bourgeoisie eût de tout temps propension à se ranger du côté des puissants que de défendre les faibles, tenir pour rien que libéralisme, rigueur budgétaire, responsabilité individuelle et lutte contre la fraude sociale furent toujours des arguments d!une droite n'imaginant pas une seconde que l'on puisse être pauvre, sans emploi ou défavorisé par autre raison que paresse, manque de détermination, et grivèlerie. Tenir pour rien que l'argument de cet au-delà de la gauche et de la droite fut toujours un argument de droite.

Au reste c'est oublier deux choses : qu'après la victoire de de Gaulle en 58, où pareillement, tout l'échiquier politique parut renversé, il fallut à peine une quinzaine d'années pour que la gauche ne se constitue et manque de gagner, avant de le faire en 81 ; que la victoire de 2017 tint, qu'on le veuille ou non, à trois coups de chance : la défaite de Juppé aux primaires, lequel n'eut pas laissé grande chance à Macron, l’impossibilité pour Hollande de se représenter et, enfin, les invraisemblables palinodies de Fillon. Que Macron, après la pandémie bénéficie du coup de pousse de la guerre, ne devrait pas faire oublier que sa victoire, moins que jamais, ne correspondra à un adhésion franche et enthousiaste mais risque bien plutôt de n'être qu'un pis-aller qui pourrait bien ressembler à une victoire à la Pyrrhus.

Mais surtout : que signifie n'avoir aucune idée à soi ; adapter son discours ainsi au vu des circonstances et des intérêts ; n'avoir aucune ligne directrice sinon n'être rien sinon une girouette - mais comme le disait l'incroyable E Faure en son temps ce n'est pas la girouette qui change de direction c'est le vent ! - sinon être un traître ou le pouvoir devenir à toute occasion difficile ou bien plus simplement n'avoir pour seule ambition que la sienne - paraître dominer la situation quand on réalité on se contente de la gérer ?

Le petit comptable de la République ? Vraiment ?

Ou n'être rien, plus simplement ? mais la ruse se terre toujours derrière de telles apparences. Polyphème - Πολύφημος qui parle beaucoup - se laissa prendre à ce piège on le sait. Ulysse lui laissant croire qu'il se nommait Personne aboutit à ce beau résultat d'empêcher le cyclope d'être secouru par ses congénères lassés bien vite de l'entendre déclarer qu'il n'avait été attaqué par personne.

Et le piège, à un moment ou à un autre se referme.

Il y a un peu plus d'un siècle, aux tout débuts de la IIIe, une génération de républicains s'intitulèrent opportunistes - eux qui avaient formé à l'origine toute la République mais furent insensiblement poussés vers la droite par les radicaux d'abord, les socialistes ensuite. Gambetta, Ferry, Grévy et Waldeck-Rousseau. Le mot n'avait pas alors cette connotation définitivement négative et désignait alors au centre gauche ce que chez les socialistes on nommera plus tard des possibilistes.

 

Peut-être est-ce ici la leçon à en tirer : les pionniers d'une ère profitent toujours du bouleversement des rapports de force pour s'imaginer tout pouvoir réaliser dont, notamment, la fondation d'un système et d'une manière de pensée, tellement irrésistible et surtout inhabituelle, qu'elle ne laisserait à quiconque d'autre choix que de le suivre. Ce qu'au reste, ils finissent par faire.

Mais les Sirènes finissent toujours par désenchanter. Et le bateau, à la fin, tanguera toujours vers la droite.

Que reste-t-il du gaullisme après que Chirac l'eût trahi et Sarkozy définitivement ruiné ? Que restera-t-il de Macron après son départ dans cinq ans lui qui n'aura pas même été capable de créer un parti digne de ce nom ?

Il s'en fiche ? Et nous donc ? Je ne crains pas tant le résultat qu'un tau d'abstention sidéral : le public ne déteste rien tant que les mauvais spectacles ; que les mauvais acteurs.

Ainsi font font font les petites marionnettes …