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Errer

C'était le 1e Janvier - un de ces jours étranges que l'on célèbre parce qu'il inaugure la nouvelle année tout en laissant traîner derrière elle les ultimes rémanences de la précédente. Il faisait outrageusement beau comme pour mieux démentir la grisaille de la veille.

Petite promenade - il faut bien - lorsque je le vis, lui.

Seul.

N'a-t-elle pas voulu l'accompagner ou était-elle partie déjà, avant lui ? Comment savoir à lire sa mimique insondable ? Ni sourire ni non plus moue de tristesse. Lèvres serrées, rectilignes, les yeux mi-clos ne s'épuisant déjà plus à scruter devant eux.

Lui aussi se promène - il faut bien ! Voici affaire de vieux.

Qui se promène ne va nulle part. Passé un certain âge il n'est plus aucune destination qui vaille. On a beau marcher droit encore … on tourne en rond. Même la canne, pourtant dignement enserrée dans sa main gauche, ne suffit plus véritablement à le porter … la balustrade. La perspective est belle pourtant, de ce pont, où par ciel bleu comme alors, la tour se reflète aimablement. Mais il ne la regarde pas. Plus ?

Tout alentour, la vie ; l'agitation même mesurée des après-midis dominicaux. Mais ici, sur ce pont, plus rien ; presque plus rien. Comme une avant-scène de silence.

A le voir ainsi, une insondable tristesse.