index précédent suivant

 

 

Sidéré

C'est ce mot - sidéré - que l'on aura entendu toute la journée sur les chaînes d'infos en continu (TV comme radio) mais avec lequel, me promenant dans les rues de Paris j'aurai été à deux reprises interpellé par des inconnus me déclarant qu'ils n'arrivaient pas à réaliser qu'en 2022, tout cela fût encore possible ; qu'on cédât à la guerre comme à une vieille passion désuète.

La guerre chose dépassée qu'on pouvait encore comprendre il y a un siècle mais plus aujourd'hui ? Cette offensive surprenante alors que tous les clignotants s'étaient mis au rouge depuis bien longtemps déjà ?

Le mot me surprenait mais oui, sidéré renvoie à sidéral et donc aux étoiles ! Du latin siderari - subir l'influence funeste des astres - il désigne une profonde stupéfaction.

C'est cette stupéfaction qui est stupéfiante !

Passons sur cette naïveté consistant à croire que la guerre fût devenue impossible - au moins en Europe. On peut avoir 70 ans et n'avoir jamais connu la guerre - Serres signalait que ce n'était pas arrivé depuis la guerre de Troie ! Assurément, alors que l'Europe est continent réputé pour ses guerres ininterrompues, depuis 45, la dissuasion nucléaire, la Communauté Européenne, un équilibre géopolitique tendu, fit néanmoins que la guerre restât froide ou se déroulât sur des terrains extérieurs - comme par procuration. Mais cet équilibre - que certains décrivirent comme étant celui de la terreur - n'existe plus.

Alors oui, cette stupéfaction est celle seulement d'un déni de la réalité ; de notre incapacité à admettre que l'histoire, oui, peut être tragique. Un progrès technique continu et parfois spectaculaire, une économie globalement prospère en dépit de crises locales et d'inégalités chroniques, mais des décennies de théories économiques lénifiantes ou de stratégies managériales supposées pragmatiques auront fini par nous faire croire que les antagonismes, luttes et rapports de force se seraient déplacés du côté de la concurrence économique, de la conquête de marchés ou de la division internationale du travail. La belle affaire ! non l'économie n'a pas supplanté le politique - tout au mieux partiellement camouflée.

Ce qui se produit ici devant nous n'est autre que, sous la forme la plus crue et cruelle, la résurrection et le triomphe de la politique pure.

Passons, pour le reste, sur la vacuité - et la vanité - des commentaires et commentateurs. Pas plus que les pseudo-experts n'anticipèrent jamais les crises économiques, ni plus nos lénifiants militaires, politistes ou autres géopoliticiens ne surent jamais ni prévoir ni même expliquer les conflits !

La vacuité des commentaires audibles sur nos médias est, elle, proprement sidérante ! sidérale.