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Métamorphoses … encore et toujours

 

C'était un jeu d'enfance, je m'en souviens bien, et sans doute ne fûmes nous pas originaux en la matière, que d'ainsi nous allonger dans l'herbe, les yeux perdus dans le ciel, scrutant les nuages afin d'être le premier d'entre nous qui, dans ces volutes cotonneuses d'un jaune-blanc rassurant, eût scruté la bête, nécessairement sauvage, ou l'objet invariablement insolite qui fût parvenu à s'en extirper. J'ai toujours aimé les ciels pour les histoires qu'ils me parurent s'entêter à raconter pour peu qu'on leur en donnât la chance, la patience ou simplement le temps.

C'était ici, encore, affaire de métamorphose où comme signe de notre devenir, de la ruse des dieux s'affairant à circonvenir les nymphes ou bien seulement de notre imagination, se jouait la grande comédie du devenir, s'esquissait le crissement strident de l'être. Car s'il est une ligne qui réunit, sans coup férir, art, science et métaphysique, la futilité absolue de l'inutile et la rigoriste efficacité des outils, c'est bien celle-ci que trace en même temps qu'efface la métamorphose.

Cet après-midi, sur le muret clôturant ce petit parc où trône, discrètement, dans un recoin de feuillage, une statue de B Bartok, ce bout de bois - un bâton ? - dont l'extrémité singeait la gueule ouverte d'un alligator ou d'on ne sait quel autre fauve rugissant.

Je sais la vie naître de ceci. De l'enfant s'amusant d'objets les plus anodins, qui d'un seul regard embellit la grisaille en un florilège de mystères, d'un Dieu dont un seul doigt pointé, bien plus que la Parole, suffit à faire s'ébranler le cosmos, d'un enchevêtrement de sons dessinant la ligne d'une mélodie  ; de ce que, parfois l'on appelle création, de cette boursouflure de sens, d'angoisse et de passions qui soudainement nous arrache à la vacuité et nous fait trembler devant la beauté du monde.

Qu'importe qu'il ne s'agisse que de rêves, de catégories, de filtres ou de traduction : nous ne parvenons de toute manière jamais à toucher le monde autrement que de l'index de nos âmes.

Il n'est de monde que pour nous et ce cosmos dont nous nous vantons 'est qu'un ornement … à moins que nous ne soyons le sien.

Des bois surgissent des sylphes, et s'élèvent des mugissements qui nous intriguent autant qu'inquiètent.

Il n'est pas d'autre récit.

Laissons l'être s'embellir.