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« Normes de genre »… : discours sur la sexualité

A propos de cet ITV de Manon Garcia

S'il m'arrive de relever certains propos ou écrits de féministes - surtout quand ils m'agacent je le concède - je répugne assez génénaralement à évoquer la sexualité - parce qu'il me semble assez difficile de n'y pas sombrer ou bien dans la banalité ou bien dans la sottise voire dans la vulgarité mais aussi - surtout - parce que, prise assez logiquement à bras le corps dans les études et analyses des féministes, la sexualité semble victime impuissante devant les préjugés de tout poil et tendance. Lire ainsi que cette jeune femme avait travaillé sur le consentement m'intéressait plutôt ; repérer qu'elle abordait les biais de genre m'a rappelé une fois de plus - était-ce véritablement utile ? - combien les afféteries, préciosités et autres philistineries de cuistres étaient devenus la règle. Il n'est qu'un biais et il me désole : la question des inégalités entre sexes est piège où l'on s'enferme vite en son genre. Vigarello mis à part, je vois peu d'hommes avoir abordé la question, non plus que des femmes envisager la question du point de vue des hommes. Que tel ou tel exprime des nuances sur un aspect des théories ou agissements féministes, il se verra immédiatement renvoyé aux travers de son genre ! Voici sujets de prédilection pour les suspicions diverses t les imputations sournoises.

Je n'aime décidément pas ces sujets où l'on se préoccupe moins de ce qui est affirmé ou proféré que de qui le profère ou argumente : derrière qui suggère d'où parles-tu, camarade ? il y a toujours un Inquisiteur. Ce serait tellement réconfortant si ceux-ci n'envahissaient pas la sphère théorique de la recherche, avec cette sinistre obsession d'en découdre … Triste époque où, avnt de parler, il vaut mieux s'empresser de vérifier sa légitimité à le faire.

Passons !

Cette phrase pourtant :

Il faut mener une analyse précise des situations complexes pour comprendre les raisons qu’ont les gens d’avoir des rapports sexuels, pour évaluer leur qualité morale et pour faire surgir les problèmes politiques qui s’y logent. S’interroger sur le consentement n’est pas simple : cela montre qu’il nous faut réfléchir à notre façon de pratiquer cette activité cruciale et particulièrement risquée de l’existence humaine qu’est la sexualité.

J'aurai rarement lu propos plus pertinent sur la question : loin des jugements hâtifs, des discours pseudo-libérateures ou des morales puritaines, pudibondes, austères ou castratrices ; mais loin aussi des approches revenchardes qui font de la sexualité le terrain de ces prédateurs invétérés que sont les hommes.

Est-ce ma propre histoire ou bien cette propension philosophique à tout interroger ? Je ne sais ! je n'ai en tout cas jamais réussi à considérer la sexualité comme une évidence, encore moins comme une pratique anodine. Est-ce pudeur née d'une éducation, d'une contrée ou d'une morale pour qui avouer ses émotions et plus encore ses désirs était inconcevable et parler de soi, simplement, le commencement de l'obscénité ? l'ultime écho d'une période désormais passée ? qu 'importe au fond … Je sais seulement ceci :

Je m'enquérais de parcourir ce dernier numéro spécial du Monde : un peu fourre-tout comme inévitablement car mêlant propos théoriques, historiques, anthropologiques voire même philosophiques à descriptions purement journalistiques ou prises de position militantes. Sans doute ce qui fait force comme faiblesse d'un tel exercice, d'autant que chaque contribution semble avoir été volontairement restreinte à deux pages. A vouloir se poster à la croisée de l'espace et du temps, et de points de vue très différents, nécessairement on prête le flanc à demeurer à la surface. Je crois l'exercice volontaire : il faut entendre l'Atlas comme une introduction voire une mise à plat de la question. J'aime que le terme qui désigne un recueil de cartes - eût pris ce nom parce que Mercator en illustra sa couverture d'une représentation du titan Atlas portant à la main un globe céleste qu'il scrute, et à ses pieds un globe terrestre. Titan qui, quelqu'en soit la source, porte le monde comme un fardeau pour la faute de s'être allié au camp des perdants ou d'avoir refusé l'hospitalité à Persée, fils de Zeus. J'aime l'idée que cette mise à plat - qui aujourd"hui se ferait sous la forme d'une carte heuristique - résulte d'une défaillance originaire. Seul ce qui pose problème, qui ne se donne pas à nous en toute évidence, c'est-à-dire d'un seul tenant et immédiatement, seul, pour parler comme Descartes, ce qui n'est ni clair ni distinct, a ainsi besoin d'être détaillé, analysé selon différents points de vue dont, notamment, l'espace et le temps. Tout l'enjeu demeure, ce qui est loin d'être simple, de savoir recomposer, combiner , après avoir ainsi tout dépenaillé. C'est bien ici le propre de tout objet complexe que d'exiger approche qui ne soit ni unilatérale ni militante. Y est-on parvenu ici ? Pas toujours tant pointe sous l'approche scientifique, objective, compréhensive, une indignation qui ne manque souvent que de peu de s'enflammer - ce qui peut s'admettre.

Toute la question est ici aussi : la quasi-impossibilité d'être neutre en la matière et celle, quand bien même on y fût parvenu, de n'être pas suspecté d'y avoir manqué tant seraient fortes les prégnances de son genre. Toute la question est ici de la possibilité des sciences humaines que Comte a cru pouvoir évacuer par la négative, ou d'autres, plus tart, par l'affirmative en mimant une mathématisation toujours suspecte néanmoins de tronquer son objet.

C'est bien pourquoi je trouve intéressante la remarque de M Garcia. Crucial, ce qui est à la croisée. Où s'enchevêtrent comme en un tissu soigneusement élaboré ou, ce qui revient au même, un texte savamment mais délicatement construit qui englobe, enlace ou enserre toutes les dimensions de l'être en un kaléïdoscope qui ne se donne jamais à voir comme tel. Mais, contrairement à ce que la formule laisse entendre, ne s'y jouent pas seulement le moral et le politique on le sent bien, mais ce qu'il y a de plus intimement métaphysique en l'être au moins autant que ce qu'il y a en lui de plus superficiel - sans que le terme doivent être entendu de manière péjorative - je veux dire de socialité tentée et souvent ratée mais jamais esquivable ; de pulsions à quoi l'on tente de donner un sens humain - ou le plus possible ; etc …

Aurais-je le courage d'en écrire un jour ce que j'en perçois ?