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Simagrées

Voici nouvelle étape prête à être franchie ! Voire.

Le premier, lors du défilé, adopte une attitude pénétrée à l'écoute de l'hymne national comme s'il eût été pénétré par la grandeur nationale et la mystique de l'Histoire Il ne manquerait plus qu'il mît la main sur le cœur pour faire moderne ou plus anglo-saxon encore ! Le second, aujourd'hui, prononce son discours de politique générale - il faut bien donner des gages à ce qu'il en reste de la République parlementaire. Politique à peine ! Générale oui très ! Un catalogue sans âme, imprécis, moralisateur.

Après tout, ordre protocolaire oblige, le premier parla mardi ; lui aujourd'hui. Entre sa nomination et aujourd'hui il se sera remué beaucoup - comment faire autrement pour exister sans être importun ? - mais parlé point trop n'en faut pour ne rien dévoiler. Qu'ont-ils annoncé ? En gros rien ! Il paraît qu'on nomme ceci une séquence ! Ah la magie de la communication qui parvient si aisément à camoufler la vacuité sous des concepts pseudo-techniques …

Quelques subliminales autocritiques présidentielles sur le ton, mais la réaffirmation du même projet : le nouveau chemin prendra des allures de bégaiements. Ah cette délicieuse manie de jouer la forme contre le fond ! Autre duperie que cette culture de l'apparence et de l'apparaître aura érigée en ritournelle cynique.

Qu'est supposé incarner ce nouveau gouvernement, ce nouveau Premier Ministre que ne signifiait pas le précédent sinon ce mot incroyable : les Territoires !

Mot de technocrate ou de communiquant en mal de poésie à côté de quoi Kant lui-même eût semblé le plus romantique de toute la littérature germanique, qui ne signifie pourtant rien d'autre que Province disqualifié depuis longtemps sous prétexte de mépris parisianiste. J'adore ces euphémismes qui tel quartiers pour banlieue font partie de cet équipage insidieux qui escamote la réalité, la dépenaille de toute densité comme on déroule pelures d'oignon. Cette engeance funeste n'aura pas seulement dévoyé la démocratie, elle aura, en réinventant le sophisme et lui redonnant lustre et charme, réussi ce prodige de rompre tout lien entre mot et chose et faire passer celui-là pour celle-ci. Il faudrait s'interroger sur cette curieuse manie, pas très éloignée des pires dilections anglo-saxonnes et des dérives de la philosophie analytique, consistant à prétendre avoir tout expliqué d'un phénomène en le substantivant.

Quoi de neuf dans territoire ? Rien évidemment ! Si ce n'est une décentralisation consentie -- serpent de mer de la politique française - d'autant plus comique qu'on se fut entiché de mépriser les corps intermédiaires tant sous Sarkozy que sous Macron. Décentralisation mal engagée sous ce terme ambigu qui suggère plutôt une certaine unité des régions et des terres, des cultures et des populations ; condensé d'une pensée très droitière où travail, relance, responsabilité vont de pair avec aides aux entreprises et rappel à l'ordre des grandes réformes sociales même si on y mettra les formes pour que la piétaille ne s'aventure pas à s'agiter inopportunément.

On n'est décidément pas sorti de la parole creuse, de la promesse oiseuse et de la démagogie.

Le grand souffle de l’abstention ne les a pas atteints. Que leur faut-il donc pour comprendre, en tout cas pour admettre ?