index précédent suivant

 

 

Retraites …

Bientôt une grève que l'on annonce massive ; que certains espèrent longue : que d'autres redoutent évidemment. Bref un vrai rapport de force comme on les aime. Un de ceux qui baptisent le mot de crise : un tamis, une croisée … ce après quoi les choses changeront un peu : en tout cas ne reviendront jamais à l'identique. Il n'est pas pire qu'un rapport de force manqué ! Les protagonistes n'y reviennent pas de sitôt. Au moins pour un moment les positions se figeront. Ainsi en va-t-il des après-guerres : combien d'années nous fallut-il pour sortir de l’équilibre issu de 45 ? Nous en sortons en réalité à peine.

Jamais autant qu'en ces années on ne parla de retraites ; jamais on ne fit autant de réformes pour en régir les différents régimes jusqu'à cette ambition de les unifier tous. Leçon sans doute de cette génération pléthorique de l'après-guerre que l'on retrouve désormais au troisième âge.

C'est bien la grande leçon à tirer de ceci : on a beau savoir, la chose eut beau être prévisible, on n'y fit rien. On aura, pour reprendre l'expression, regardé ailleurs. Il en va de même pour le versant personnel. Nous savons tous la retraite au terme de nos existences professionnelles ; nous nous en réjouissons parfois ; l'attendons avec quelque impatience et pourtant nous y sommes mal préparés.

Pan sur le bec comme eût autrefois écrit le Canard : que les experts de tout poil en rabattent quelque peu sur leurs prétentions : comme tout le monde ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ; extrapolent au mieux à court-terme …

La Fontaine, ici encore en avait dit l'essentiel :

Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres,
Et ne croyons le mal que quand il est venu.
L'HIRONDELLE ET LES PETITS OISEAUX

Subitement on nous ravit ce qui fit le creuset de notre existence où beaucoup d'entre nous mirent sinon le sens en tout cas le centre de leur vie bien avant, en tout cas autant, que leur vie personnelle.

Alors, individuellement ou collectivement, nous devons bien nous poser la question, une fois au moins, de la place du travail dans notre vie ! dans nos cultures ! dans nos cités.

Qu'on la posât tardivement, tant le travail aura été conçu négativement, pour nos faiblesses et aliénations qu'il traduisait et exhibait avec tant d'impudeur - ceci je le comprends ; qu'on s'empêchât de la poser parce qu'en fin de compte la mort venait si rapidement, je peux le deviner … mais dans cette incroyable période qui fit du travail le centre, comment peut-on ne pas craindre ou, au moins vouloir anticiper, ce dernier âge où l'on vous aura démuni de cet essentiel que l'on croyait vous définir.

Peut-être nous reconnaîtra-t-on à la manière dont nous saurons tirer révérence. Je redoute, pour ma part, un âge qui me contraindrait à ne plus me soucier que de moi-même et, sans doute, si ma plume court de plus en plus souvent, est-ce pour essayer de me convaincre que je vaux encore un peu mieux que ce corps qui se dépenaille …