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Débordement populaire (cf)

Rien ne se fera sans débordement populaire, affirme Ruffin. Il a sans doute raison. Lui, manifestement l'espère; Macron, le redoute, chacun réagit dans la logique de son rôle.

Pourtant !

Il faut être aveugle pour ne pas voir que ce débordement a déjà commencé. La politique inspirée de notre télévangéliste national, libéral, sûr de lui mais de moins en moins dominateur, n'a pas été entravée pour rien : si l'affaire Benalla l'a abîmé politiquement, le mouvement des gilets jaunes, les petites phrases méprisantes l'auront abîmé socialement. Celui-ci n'est plus audible et ses réformes décidément peinent à avancer au point même que, sous l’allure fallacieuse de formules martiales - ma main ne tremblera pas - voici que l'on commence déjà à évoquer un report de la réforme des retraites - il faut bien le temps de dialoguer, de convaincre - certains suggérant même de ne l'appliquer qu'aux nouveaux entrants sur le marché du travail. La réforme des grand-pères finalement …

Signe d'une chiraquisation du régime ? En tout cas plus aucune réforme ne passera à la hussarde comme celle de la SNCF, laquelle s'ébroue sans même que le mouvement semble pouvoir se contrôler.

Mais, symptomatique d'un profond malaise, à côté de la grogne sociale dont les gilets jaunes ne sont qu'une expression partielle et d'ailleurs difficilement lisible, se lève une grogne plus diffuse encore qui n'a pas de revendication sociale, corporatiste, salariale, mais relève plutôt de l'alerte. Qui en appelle à la vie contre un système qui mène à la catastrophe et à l'extinction des espèces. De toute vie. Révolte contre l'extinction, qui se donna à entendre un peu partout, à Londres comme à Paris où, dans un ordre parfait, sans aucun pillage ni destruction, on occupa un centre commercial - temple de la modernité - et la place du Châtelet. Signe que derrière ces jeunes qui suivirent G Thunberg en début d'année, il y a de plus en plus de monde, inquiet, en tout cas assez soucieux pour déclarer vouloir prendre son destin en main.

Et ne plus laisser les politiques agir seuls qui, d'ailleurs, agissent peu ou avec une bien trop extrême lenteur et discrétion.

Pourtant, il faut assurément se méfier.

Les mouvements populaires se font rarement annoncer et nombreux furent ceux qui se laissèrent surprendre : Viansson-Ponté déplorait en février 68 : la France s'ennuie et n'a rien vu venir. H Carrère d'Encausse publie l'Empire éclaté et annonce que l'URSS était solide et s'écroulerait bien un jour sous le conflit des nationalités … mais as de sitôt ! Il fallut moins de cinq ans et ceci vint d'ailleurs ! Elle n'avait rien vu venir non plus. Sans compter Marx qui voyait la révolution surgir dans un pays développé ! Avec raison peut-être, il s'est trompé lui aussi !

Qui avait anticipé 89 ?

Je sais seulement deux choses :

D'ailleurs ce qui embarrassa les organisateurs de Paris, c'est que, pour une fois sagaces, les forces de l'ordre n'intervinrent pas. En les laissant faire, ne laissaient-ils pas entendre que leur mouvement n'avait aucune importance, ni leur alerte de sens ?

C'est bien toute l'ambiguité de ce genre de mouvements : ils n'attirent l'attention que si dégâts il y a, destruction, incendie, violence … faute de quoi les médias se détournent rapidement. Qui par leur dimension spectaculaire cachent la floraison d'initiatives discrètes.

D'ailleurs je me méfie des mystiques révolutionnaires : les grands soirs ne sont souvent que de funestes illusions laissant derrière elles, goût amer et désarroi.

Que néanmoins, vu l'urgence, nous cessions de regarder ailleurs m'importe.

Reste qu'il nous faudrait d'autre concept que ce stupide populiste pour saisir ce qui ici est en train de se passer