index précédent suivant

 

 

Sottises …

 

Qui ne sont pas sans lien avec ce qui précède ; avec cet écran que nous ne cessons d'intercaler entre le réel et nous.

Cette Une du Magazine du Monde qui soulève un invraisemblable tollé sur les réseaux, notamment twitter au point que le journal se pense obligé de réagir :

La couverture de M le magazine du Monde datée du samedi 29 décembre a provoqué des réactions critiques de certains de nos lecteurs. Nous présentons nos excuses à ceux qui ont été choqués par des intentions graphiques qui ne correspondent évidemment en rien aux reproches qui nous sont adressés. Les éléments utilisés faisaient référence au graphisme des constructivistes russes au début du XXe siècle, lesquels utilisaient le noir et le rouge. La couverture s’inspire par ailleurs de travaux d’artistes, notamment ceux de Lincoln Agnew, qui a réalisé de nombreux sujets graphiques pour M le magazine du Monde.
Luc Bronner, directeur de la rédaction du « Monde »

Un buzz joliment poussé sur Twitter où on s'insurge d'une mise en scène et d'une iconographie qui tiendrait tout de la représentation nazie suggérant ainsi que Macron fût un vil dictateur !

Les uns d'applaudir parce que, oui, vraiment Macron décidément … les autres allant jusqu'à menacer de se désabonner ; les troisièmes jugeant insupportable qu'on écorne ainsi notre Jupiter des bacs à sable.

La chose serait risible si la rédaction ne s'était crue obligée de réagir comme si la raison ne pouvait plus l'emporter et que les réseaux sociaux dussent désormais définir le tempo du fil d'actualité …

La chose serait risible si du côté de la majorité, sans doute parce que la suffisance commence à s'effriter sous les coups de butoir de l'actualité et de maladresses successives particulièrement mal-venues, on ne se croyait encore obligé de défendre une majesté au nom de la seule dignité de la fonction. Soutien légitime n'est pas courtisanerie et ne devrait pas dispenser d'un minimum de sens critique.

Tout est bon désormais pour discréditer ce qui s'oppose au monarque et la presse - les chaînes TV d'information en continu ne sont pas les dernières - notamment en mettant en évidence ce que le mouvement pourrait avoir de trouble, d'anti-démocratique. On ne se contente plus de dénoncer le populisme ; on dénonce désormais le fascisme latent de ce mouvement. S'il est vrai que le référendum d'initiative populaire parce qu'il vise à passer par dessus les instances intermédiaires de dialogue et de représentation est dangereux et demeure effectivemenr une des marques des idéologies ultra-droitières - mais si on trouve ceci chez Le Pen on l'entendit déjà du temps de Sarkozy - s'il est vrai que certains des leaders du mouvement ont un passé connu et que des quenelles ont été repérées, il me semble pour le moins prématuré et dangereux de tenir ce mouvement de colère pour nul et non avenu parce que d'extrême-droite voire franchement fasciste.

Or c'est ce qui est en train de se passer ! d'où cette exaspération extrême autour des références au IIIe Reich …

On trouvait, à juste titre, intolérable que d'aucuns s'en prissent à Charlie Hebdo pour des couvertures irrévérencieuses - et ce avant même les attentats. Si critique, outrance, irrévérence et satire valent pour tout le monde mais pas le pouvoir ; si la décence, le bon goût bourgeois s'en vont fouiller jusque dans les poubelles … que reste-t-il de nos libertés ?

Et là, sans que rien dans l'article du Monde prête en rien le flanc à de troubles insinuations, tout ce petit monde s'affole sauf l'inénarrable Schneidermann qui ne rate pas l'occasion de jouer le sage docte qui eût tout prédit et déjà expliqué.

Et chacun de venir avec sa preuve, sa référence, sa petite et misérable explication sémiologique … ou sa contre preuve.

Les stratèges en communication me font vomir, presque autant que les herméneutes qui se paient sur la bête.

Ici s'entrechoquraient l'iconographie nazie et soviétique - tendance réalisme socialiste - c'est au reste cette référence qu'allègue le Monde comme gage de sa pureté d'intention.

Ce qui me confirme dans mon intuition : si l'image est riche c'est en tout cas moins pour ce qu'elle dit et montre que pour ce que nous voulons qu'elle dise, signifie et montre. Révèle, tels les actes manqués de Freud, plus sur nous et nos inconscients que sur leur objet spécifique. L'image n'est pas aveugle comme le serait l'amour mais, bonne fille, ne montre que ce que nous voulons y voir.

C'est ici, sans doute encore un de ces effets de l'inculture ambiante qui n'a ni assez de références ni surtout assez de prudence pour distinguer d'entre explication et interprétation ; pour reconnaître la faiblesse de toute analogie ; la sottise de réagir plutôt que de prendre le temps.

C'est assurément aussi l'un des effets de cette immédiateté à quoi nous réduisent les réseaux sociaux et les chaînes en direct de plus en plus greffés sur eux.