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Les Thénardier …

Je ne m'étais jamais vraiment demandé qui était Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, tout juste avais-je remarqué que cette jeune femme, venue d'on ne sait où, n'avait pas sa langue dans sa poche et n'hésitait pas à l'occasion, de prendre des positions tranchées - il paraît que l'on dit disruptives. Soit ! Après tout pourquoi pas !

Que la nouvelle majorité de 2017, toute neuve, sans histoire, sans passé, et avec à peu près autant de culture et de sens moral qu'un commercial ayant encore trois contrats à placer avant la fin de la journée, que cette majorité auto-proclamée en marche, eut besoin d'étendards clinquants, hauts en couleurs et de porte-flingues avec charme pour trancher avec les barbouzes de notre enfance, après tout pourquoi pas ! Elle n'avait pas vraiment de passé politique ! Pas d'histoires liées à l'ancien monde ! et une - petite- notoriété due surtout à son parcours professionnel et personnel à l'écart des sentiers habituels.

Que pour défendre l'égalité homme/femme, je devrais écrire femme/homme, il fût préférable de prendre une jeune femme, concernée au premier chef par le sujet du fait de sa carrière professionnelle, son jeune âge et ses jeunes enfants, derechef pourquoi pas ! Cela fait société civile tout à fait dans le genre de ce qu'il fallait pour amuser le chaland et abuser le petit peuple.

Que la majorité en difficulté depuis l'affaire Benalla et plus encore depuis le mouvement des gilets jaunes considère le grand débat national comme un moyen de s'en sortir en ayant l'air d'écouter la base et de se ressourcer en quelque légitimité tellement manquante, c'est après tout de bonne guerre et qu'elle mette en avant la jeune femme pour accompagner le chemin de Damas présidentiel soit ! A la guerre comme à la guerre ! et le politique quoiqu'on dise, en est une forme parfois policée ; parfois sublimée ; parfois non !

Et voici la jeune femme en quête d'un intellectuel pour l'accompagner sur les tréteaux médiatiques. Et elle le trouve en ce sinistre échotier plus habitué aux scandales provoqués par ses jeux de mots douteux que par le sérieux d'une pensée rigoureuse.

Quelle dégringolade ! quelle chute dans la fange, le caniveau !

Ce pouvoir qui, en ses débuts, se jurait demain ne pas faire comme les autres hier ; s'était vu en Jupiter et se flattait d'une filiation avec Ricœur, cette éminence aussi jeune que bientôt grise, qui crut pouvoir pourfendre la dialectique par un et en même temps aussi clinquant que confus, ce pouvoir, désormais, pas même deux années plus tard, usé par tant de suffisance et de mépris, n'a guère plus de dignité que Giscard en son temps avec Danièle Gilbert. Les recettes sont éculées ; éventées et leurs excellences nous prennent tellement pour des imbéciles qu'elles nous imaginent encore ne pas nous en rendre compte.

 

Mais dans l'affaire qui exploite qui ? Ici et là on s'en prend aux médias ! mais qui peut s'en passer ? Qui le voudrait au reste ?

Les médias à l'occasion pleurnichent de la maltraitance dont ils seraient victimes tant par les manifestants que par le pouvoir. Oui, mais observez-les ces deux-là, qui pourtant ne se regardent pas. Le clown s'est fait un habit de cadre propre sur lui ! Rasé de -trop- près, le costume étriqué comme ses idées, le col serré autour de ses certitudes ; la cravatte finement enlacée autour de la vacuité de sa pensée. La ministre quant à elle s'est fait un sourire complice de circonstances - l'air de dire mais si je suis heureuse d'être là mais pourvu qu'il ne fasse pas des blagues à l'emporte n'importe quoi comme d'habitude - elle a remisé ses décolletés vertigineux pour jouer d'un noir et blanc classique qui versera le contrepoint utile avec le blanc et noir de l'animateur fossilisé en intellectuel effarouché ; elle épluche nerveusement quelques papiers à Marianne suffisamment visible pour qu'on ne la prenne pas pour une de ces gourdasses qui accompagnent habituellement le turlupin des banlieues exotiques.

Comment ne pas voir que ce sont des jumeaux pourtant, qui se ressemblent d'autant plus qu'ils cherchent à se démarquer. Tous les deux grandis hors des circuits habituels de la bourgeoisie parisienne ; sans avoir suivi les grands lycées, les grandes écoles ; sans vraiment de diplômes ; au parcours atypique - mais parvenus quand même parce que, décidément, les chemins de crêtes ont leurs codes - ces deux-là ont tout de cette modernité qui ignore ce que furent les humanités - après tout, cessons de gémir notre passé - de cette inculture qui ne touche qu'aux livres qu'ils se font écrire ou qui en tout cas servent à leur gloire et exaucent leurs parcours ; confondent connaissance avec promotion ; culture avec brouhaha, faire-savoir et tapage. Impudique pour l'un ; exhibitionniste pour l'autre. Vulgaires ensemble.

Mais ces deux-là que sont-ils sinon des faire-valoir ; des passe-plats ? des clowns pas même drôles ? Ils ne servent à rien ! ne se servent de rien ! Baudruches bientôt éclatées des mondaines rodomontades ; parangons obscènes de la suffisance bourgeoise, ils suintent la fin de règne ; puent la mort ! Comment peuvent-ils ne pas comprendre qu'ils sont consubstantiellement jetables et seront jetés dès lors que les maîtres du moment cesseront d'en tirer quelque avantage !

Je les regarde et, oui, ils me font insensiblement penser aux Thénardier dans la version de Bernard. Elle, immature Pimprenelle trop vite grandie, trop vite honorée, costumée en des allures trop vastes pour elle, aimerait bien à l'occasion prendre les allures d'une Cosette qui ne dût son salut qu'à ses propres mérites et, accessoirement, à un bienfaiteur lointain.

Las ! elle a tout d'une Marguerite Moréno encline à exploiter tous les recoins d'une situation qui lui importe sans doute parce que la sienne en dépend mais qui, dans le fond, l'indiffère tant elle déborde de toute part son petit univers de femme libérée sachant tout faire en même temps - travail, famille, patrie ! - seul prisme à travers quoi le monde se donne à elle ; seul angle mort qu'elle soit en tout cas susceptible de comprendre.

Las ! lui a tout d'un Charles Dullin contrefaisant générosité et souci de l'autre avec la sincérité narquoise d'un banquier avouant votre Argent m'intéresse ! de sa barbe pointue achevant en virgule ce visage anguleusement contrefait de convoitise, de stupre et de lésineuse spoliation. Quelque accoutrement qu'Hanouna revête, lui non plus ne sera jamais du sérail. Il lui suffit de parler, de s'agiter, de paraître se passionner, ll sent le peuple ; pire encore le bas peuple. Les mauvaises blagues de piteux et miteux macho de basse-cour désertée, lui collent à l'âme comme l'arrogance à Macron. C'est une question de classe, d'habitude et d'élégance. Lui restera vulgaire même propre sur lui. L'autre passera peut-être du jupitérien au luciférien, il aura l'élégance des biens-nés. Hanouna ? pas même parvenu, tout juste arrivé, mais d'on ne sait où ! Il a trop hanté les couloirs ; trop servilement troqué sa dignité pour quelques subsides, son honneur pour conquérir son strapontin … jamais il ne lâchera ; toujours il contrefera la conviction. Il n'en a d'ailleurs aucune ne sachant pas même ce que c'est. Lui n'a que des racines ne sachant pas plus ce que ceci signifie. Il croit avoir une revanche à prendre. C'est ainsi que les puissants bernent les faibles. Et que les faibles de ce sourire carnassier qu'ils confondent avec l'intelligence s'empressent de se soumettre.

Qu'on ne s'y trompe pas la bourgeoisie a toujours su reconnaître les siens. Ceux-là n'en sont pas : tout au plus des faire-valoir. Tout au plus des clowns blancs.

Ils sont assez sots et trop rapaces pour ne pas se croire dominer la situation : ils seront pourtant remplacés demain par plus affamés qu'eux. Les maîtres n'éprouvent que très rarement difficulté à s'entourer de courtisans.

Ces deux-là me font irrésistiblement songer à ces rapaces prompts à veiller un Volpone supposé leur léguer sa fortune. A la fin, Volpone, tel est pris qui croyait prendre, se fait plumer par son serviteur Mosca, c'est vrai. Mais c'est si rare. Cela n'arrive qu'au théâtre.

Serait-ce une sinistre farce ou une comédie qu'on voudrait nous jouer ? J'ai connu plus drôle !

Il n'en reste pas moins que les puissants du jour semblent s'affoler quelque peu ! il y a de quoi ! La plèbe, toute vulgaire, aveugle et sotte qu'elle soit, réalise lentement qu'on l'aura conduite dans une impasse ! De toute part et en tout pays elle se donne, sans même barguigner, aux tyranneaux vociférants comme elle le fit déjà ; et la planète craquelle à qui mieux mieux. Soudain, les puissants ont beau s'agiter, et bousculer frénétiquement les manettes … plus rien ne répond.

Quand les puissants du jour sortent leurs marionnettes c'est que vraiment, la peur gagne !

 

C'en est à vomir ou hurler de rire.