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Intermédiaire ou l'ironie de l'histoire

C'est au moment même où Libération croyait pouvoir annoncer le retour en grâce des départements ; où l'on pouvait imaginer que crises succédant aux crises, notre jupitérien de Président renoncerait un peu aux hyperboliques enflures de ses ambitions. Las il n'en est rien : les négociations paritaires entre syndicats et patronat étant rompues, voici l'exécutif contraint de reprendre la main. Ce qui est déjà fâcheux, même pour lui parce qu'il devra prendre des mesures nécessairement impopulaires qu’il ne pourra faire endosser par d'autres.

Mais - chassez le naturel il revient au galop - les petites phrases assassines fusent derechef via twitter qu'il s'était promis de mesurer et pour lesquels il avait formulé un semblant de mea culpa.

La chose était trop belle : l'occasion trop tentante pour ce tyranneau orgueilleux. L'échec de ces négociations n'aurait été qu'une affaire de lâchetés - du camp d'en face, s'entend. C'est que le discours macronien tour ne en boucle : le pays, peureux et paresseux intellectuellement, est rétif à toute réforme et craint par dessus tout les efforts. Lui est homme libre, prêt à tout et notamment aux efforts - qui d'ailleurs ne s'appliquent pas à lui-même. Il est donc nécessairement dans le vrai et le camp d'en face dans le faux, l'illusion ou la paresse.

Cet homme est-il seulement capable d'envisager que ses réformes soient mauvaises au moins en tel ou tel aspect ? Pas même ! Pour cela il faudrait qu'il accepte de reconnaître la légitimité de la parole de l'autre ; qu'il dialogue. Or, on l'a vu, il n'en connaît que le simulacre.

Il n'est pas besoin d'être un sceptique à la Pyrrhon ou même à la Cioran pour deviner que les hommes de certitude sont en même temps de suffisance ; bientôt d'intolérance.

Il n'est cependant pas la peine d'attendre longtemps pour voir l'Histoire qui s'y entend en ironies diverses, parfois comiques, souvent tragiques, opposer aux outrecuidants de bien humiliants démentis.

J'avoue que ce mouvement, venu du Nord, de jeunes prenant à bras le corps la question climatique - après tout ils sont les premiers concernés - s'adressant sans barguigner à la génération de leurs parents, aux hommes de pouvoir en leur disant Vous n'avez pas fait votre travail ni tenu vos promesses que ce mouvement oui a quelque chose de rafraîchissant et de prometteur. Au moins autant que cette pétition qui recueillit plus de 2 millions de signataires …

Qu'une adolescente, tout fébrilement sortie de l'enfance, eût le courage de se planter face aux décideurs ; que le mouvement ici et là, et de plus en plus mobilisent des jeunes, voire des très jeunes, est plutôt humiliant pour nos si grands experts en tout genre et nos présidents je-sais-tout !

La demoiselle a un discours construit et même si vraisemblablement on l'y aida une force entraînante de conviction que ne lui donnent pas seulement les catastrophes évidentes à venir ; ou l'inaction criminelle de nos dirigeants ; ou l'atermoiement de la société civile qui réagit comme si elle ne croyait pas vraiment à la menace à venir à laquelle elle n'est effectivement pas préparée ; bien moins en tout cas qu'à celles de la réforme de la retraite, de l'assurance chômage …

Humiliant, oui ! Que la leçon de réalisme qui, pour une fois, est aussi une véritable leçon de morale, vienne d'une adolescente qui prend le risque de quitter provisoirement ses cours, pour courir le monde, alerter et mobiliser devrait faire rougir de honte ces impénitents donneurs de leçons que sont les Macron et autre de Rugy.

La leçon vient de bien bas, de tout en dessous, des tréfonds : les mailles du tissu s'effilochent déjà mais tiennent encore. Si mal.

Et ayant appelé un petit enfant, il le plaça au milieu d'eux, et dit : En vérité, je vous dis que si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux. Quiconque donc se rendra humble comme ce petit enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des cieux. Et qui recevra un seul petit enfant comme celui-ci en mon nom, me reçoit.. Mais celui qui scandalisera un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une meule de moulin et qu'on le jetât au fond de la mer. (Mt, 18,2- 6 )

 

 

 

 

Comment ne pas songer à ces versets en l'entendant !

On pourra dire ce que l'on veut concernant ce mouvement pour le dénigrer - et on n'y manquera pas,- d'en dénoncer la naïveté ; la candeur ; la manipulation de jeunes par quelque officine ; le manque de réalisme ou, pire encore, la sincérité des intentions arguant que de jeunes adolescents, sots et incapables de voir au-delà du bout de leur nez, se fussent plutôt préoccupés en l'affaire de sécher leurs cours que de s'occuper de la crise climatique. On l'osera mais s'y condamnera ipso facto.

On n'offense pas impunément sa jeunesse.

Que Jupiter l'entende : allez à la rencontre de la base ce n'est pas pérorer un micro à la main avec quelques notes brouillonnes prises à la volée. C'est écouter ! mais écouter est un art qui implique cette humilité précisément que le Christ prête aux enfants et que nous désapprenons si imprudemment ; si impudemment. Admettre que l'on ne sait pas tout - ou mal - et que l'autre, de la place qu'il occupe, perçoit un bout, une autre bout de cette réalité qui toujours nous échappe. Je l'ai appris de Hegel et de ses ruses : oui, bien sût, le grand acteur est celui qui saisit le vent de l'Histoire, perçoit où se déploie le sens.

Mais ceci d'où le connaîtrait-il sinon d'avoir plongé ses mains dans la glaise ?

 

Chirac s'était fait élire en 95 sur le thème de la fracture sociale ! Comment ne as voir que les crises économiques successives ont effectivement créé une fracture sociale qui désormais est un fossé ; mais qu'elle s'est prolongée en une fracture politique. Béante.

Je le crois trop suffisant pour être capable de l'endiguer. Trop prétentieux pour le vouloir.

Le protocole est sans doute la grande calamité des puissants : à imposer de marcher seul devant, comment ne pas perdre le regard de l'autre et le goût d'entendre sa voix !

Avec humour, de Gaulle s'attacha en septembre 1965 à détailler les relations qu'il entretint avec le peuple. Cela vaut la peine de e réentendre :