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« L’absence de féminité dans notre civilisation est effrayante »

Cette phrase, extraite de l'interview accordée par Romain Gary en 1975 à J Chancel dans le cadre de son émission Radioscopie et qui figure dans le recueil qui vient de sortir.

La remarque est troublante qui se laisse interpréter dans plusieurs directions : elle est en tout cas bien plus sagace que les vulgaires jérémiades d'un Zemmour se plaignant d'un Occident trop efféminé à son goût.

J'ai toujours eu un petit faible pour cet homme troublé, troublant : comment résister à la furia endiablée de la Promesse de l'aube. Celui-là, homme résolument de son temps su chaotique, choisit toujours à bon escient sans cesser jamais, même au plus fort de l'action, de se consacrer à l'écriture.

J'ai adoré le pied de nez qu'il sut manigancé à l'endroit de ce Tout-Paris qu'il ne prisait pas particulièrement, de la critique qu'il méprisait aimablement. La vie devant soi, publié sous le nom d'E Ajar, lui valut son second Goncourt. Bien joué.

Quand je pense à lui je pense à cette phrase de Montaigne : un honnête homme est un homme mêlé. Celui-ci le fut, hautement.

 

Gary écrit et pense dans un monde en train de changer où les femmes commencent à peine à pouvoir s'exprimer. Sa formule doit être comprises à la lumière de cette autre où il souligne la part immense de féminité dans le message christique. Il fallait sans doute un athée pour le voir. Dans ces représentations classiques où la virilité se joue en terme de puissance, de domination et finalement de violence ; où au contraire la féminité est supposée rester recluse dans l'intériorité de la douceur, de la soumission et de la tendresse. Lui, l'homme bousculé par les soubresauts de ce XXe siècle qui ne cessera pas de hoqueter ses cruautés, lui le Tartare épris de littérature bien plus que de hauts faits d'arme, fera de la résistance, sera aviateur, diplomate, mondain mais ne rêvera jamais que de cette douceur qu'il ne trouva qu'épisodiquement.

J'aime en tout cas que sa dernière œuvre soit l'ode à cette Madame Rosa ancienne prostituée faisant vocation de garder les enfants de ces femmes de petites vertus mais de grand cœur ; fut l'occasion d'un des plus grands rôles de Simone Signoret.