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- >2016
Retraite
Il y a des jours comme cela … Je regarde quelles réformes - régressions - les candidats mitonnent s'agissant des retraites et je reçois ceci d'un même tenant au courrier. Histoire de cesser d'entrevoir sa retraite comme une perspective bienheureuse voire seulement bienvenue.
J'y mesure deux choses, au delà de la crainte légitime de la souffrance, de la dégradation et de la mort :
- combien il est absurde d'arguer sempiternellement de la valeur travail : tout miser sur lui, comme on nous incite à le faire, comme nos éducations avec obstination le serinent, revient l'âge de la retraite venu, à se retrouver nu, désemparé, sans repères sociaux. Gare à celui qui, ailleurs, ne se sera pas défini un autre sens, d'autres objectifs ! et qu'on ne me parle pas de la famille qui, de toute manière et fort légitimement, s'éloigne, se délite.
- combien il est difficile de faire retraite ! Renoncer au monde, quand tout nous invita, une vie durant, à l'embrasser avec gourmandise ; débrancher un à un ces désirs qui nourrissent notre rapport au monde, à l'autre … c'est mourir petit à petit, s'éloigner ; partir. Mais ce départ, insensible d'abord, et de plus en plus cru sinon cruel, nous met, avec une incroyable brutalité en face de nous-mêmes ; de notre propre vacuité. Qu'as-tu fait de ton talent ? Que peux-tu encore en faire ? que veux-tu ? Ce départ avait un sens, assurément, quand il s'agissait, figure de la conversion, de se retourner vers d'autres horizons, plus essentiels, plus engageants. Dieu finissait bien par pourvoir aux repères d'un nouveau chemin … Je n'aime pas les béquilles consolatrices ni ne supporte les illusions réparatrices.
Il y a quelque chose de sinistrement régressif dans cet âge et pas seulement parce qu'il vous fait glisser progressivement vers la dépendance ou plus pudiquement la perte d'auronomie. La retraite, finalement, oblige à se poser des questions que l'on ne s'était plus posées depuis l'adolescence : notre existence durant, nous nous sommes laissés déposséder du sens par la socialité (famille, travail) trouvant d'ailleurs assez confortable d'y trouver repères qui justifient nos efforts, excusent nos échecs. Jeunes nous affrontions les ruades de nos désirs mais c'était d'un monde à construire ; désormais les soupirs épuisés devant un réel qui s'éloigne : la différence est énorme, certes, mais nous y étions et redevenons, seuls, nus et angoissés
… Je viens juste de comprendre ce qu'est l'être sans attribut Etre, non pas quelque chose ou quelqu'un … être tout simplement.
Je viens de réaliser ce qu'est la vie, nue, brute et parfois brutale. Se retrouver face à soi, sans pouvoir plus esquiver jamais l'angoisse d'un quelconque détour ; puiser en soi l'énergie de persévérer ou le courage (?) de céder le pas. Comprendre qu'être, c'est peut-être être-au-monde mais que rien pourtant ne vous justifie jamais. Qu'il n'est pas de réponse dans le cahier du maître, mais nulle non plus dans le politique, l'économique …
Etre c'est se révéler une fatalité que rien ne peut esquiver et … apprendre à le supporter.