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Clichés sexistes
(à propos d'un article du Monde)
Que n'a-t-il été dit ou écrit sur Brigitte Macron et, plus généralement, sur le couple Macron ! Il est toujours piégeux, lorsqu'on est un homme, d'écrire sur un tel sujet, risquant toujours de voir son propos invalidé pour cette seule raison - mais après tout n'est-ce pas le cas pour tout débat concernant quelque ostracisme ou ségrégation que ce soit ?
Je vois dans tout ceci des évidences et une once de mauvaise foi.
Evidences
- l'écart d'âge entre les deux eût évidemment moins fait jaser s'il avait été inverse.
- les supputations sur le rôle trouble de Mme - soit manipulatrice, soit paravent, soit encore vamp - sont bien sûr détestables. Et l'expression cougar utilisée par JM Le Pen tout-à-fait odieuse.
- la rumeur d'homosexualité cachée de Macron, qui circule dans le Tout-Paris n'est que la conséquence, doublement insupportable, de ce qui précède.
Elles en disent long sur nos impensés - clichés ou préjugés :
- La sempiternelle prééminence de la mère sur la femme qui, du coup, jette la suspicion sur la femme de 50 ans qui, ne pouvant plus être mère, soit disparait des radars et de l'intérêt public, soit révèle de perverses propensions qui ne peuvent que susciter la suspicion
- L'incapacité à penser ou admettre la sexualité féminine autrement que sous le couvert de la maternité. Autre façon de reproduire le schéma freudien d'une mère qui rassure face à une femme qui inquiète et ne peut en conséquence être qu'un être trouble, maléfique, manipulateur, envoutant et faire de B Macron un épigone de la Reine de la Nuit
- L'incapacité à envisager la relation amoureuse en général autrement que sous les auspices de la sexualité - qui plus est réduite à la reproduction de l'espèce
- Le trouble suscité encore et toujours par l'homosexualité non point tant cette fois-ci pour ce qu'elle ne fût pas naturelle mais plutôt pour ce qu'elle serait éloge de la stérilité et trahison d'un supposé devoir à l'égard de l'espèce. (1)
Mauvaise foi
Est-ce l'effet d'une stratégie où l'on ferait la part du feu en donnant à montrer un peu pour préserver l'essentiel ? Toujours est-il que, dès le début de la campagne, en se prêtant à des confidences, en livrant des vidéos personnelles - de leur mariage notammant - le couple Macron aura joué le jeu de la presse people et, dès lors, prêté le flanc à ce type de dérives loin d'être étonnantes dans une presse où dignité, sobriété et intelligence sont très anecdotiquement des préoccupations premières.
Je souhaite qu’un cadre soit défini. Elle a son mot à dire, je crois, sur les droits des femmes pleins et entiers. Je veux sortir d’une hypocrisie française : lorsqu’on est élu président de la République, on vit avec quelqu’un. (…) On donne sa vie publique et sa vie privée (…) et donc il faut que la personne qui vit avec vous ait un rôle. (…) Elle aura un rôle public. Nous en définirons le cadre si je suis élu, dans les premières semaines.
Macron, Avril, TF1
La République en ne fixant aucun statut pour le conjoint de l'élu a sans doute fixé une règle de bon sens démocratique que sans doute les mœurs ont rendue impratiquable. Déclarer vouloir en définir le cadre, expose inévitablement Macron mais pas plus que de faire monter son épouse sur les estrades, en particulier au soir du Ie tour.
Certes, Macron ne se plaint pas et semble assumer les troubles ragots ; mais on le fait pour lui.
Je suis peut-être naïf mais je préférerais que les choses de l'amour, de la conjugalité, tout comme celles de la religion d'ailleurs, restassent dans la sphère de la vie privée mais je connais juste assez l'histoire pour savoir que chaque fois que le pouvoir se pique de légiférer dans ces domaines-là, il écorne, griffe et affaiblit nos libertés. La laïcité a aussi ce sens là ! Assez aussi pour mesurer les dégâts d'une hyper-personnalisation du pouvoir !
Il faudra sans doute revenir sur la question : je ne peux pas oublier la remarque de Levi-Strauss soulignant qu'une société se reconnaissait à la circulation des savoirs, des biens et des femmes. Incontestablement la place faite ou déniée aux femmes, la considération qu'on leur accorde ou dénie, sont des symptômes forts. L'histoire en tout cas montre qu'à chaque grande régression, qu'avec chaque pouvoir réactionnaire ou totalitaire, ce sont les femmes qui trinquent d'abord.
1) Il n'est pour le comprendre qu'à entendre la sortie délirante de JMLP suite à l'hommage au policier tué sur les Champs Elysées - une de ces sorties dont il a le secret chaque fois qu'il sent que le pouvoir s'approche de trop près !