Bloc-Notes 2017
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Du simulacre …

Le travail de sape aurait-il commencé ? Oui, décidément, les fanfaronnades au sommet de l'OTAN où il s'agissait, quitte à bousculer tout le monde, d'apparaître comme le centre d'un monde qui grâce à lui allait changer, ses poignées de main supposées viriles, cette invraisemblable moue boudeuse et hautaine marquant le territoire de son hégémonie rêvée, oui, tout chez ce personnage dont on a déjà souligné la vulgarité, dénote de surcroît, la régression d'un adolescent ivre d'affirmer sa puissance toute neuve au prix de toutes les incorrections.

Tout ici respire ce rudimentaire langage du corps du petit vendeur de voiture ou du courtier en assurances où chaque geste se croit calculé pour mieux conclure la vente, et ressemble à s'y méprendre au marchand de brosse à reluire des caricatures de notre enfance et à son pied dans la porte . comme si, mi-manipulation, mi-intimidation, la posture adoptée équivalait déjà à un doigt malencontreusement mis dans l'engrenage qui vous interdirait demain de vous débarrasser de l'intrus, de l'importun.

Peu de doute ici : chez cet homme qui avoue lui-même entendre la politique mais les relations internationales surtout sous le registre de la négociation commerciale, il y a bien quelque chose du Séraphin Lampion ou du sparadrap ; un parasite dont on peine à se débarrasser. Ce n'est, certes, pas la première fois que les USA se donnent un néophyte comme président - que n'a-t-on dit à l'époque de Reagan ! - mais celui-ci, qui n'entend le monde que comme un vaste marché immobilier à conquérir, et les négociations que comme un contrat commercial à conclure, est sans doute le premier à le sur-jouer aussi ostensiblement - ce dont l'entourage de ses conseillers est éminemment révélateur. Fi du dialogue international, ou du concert des Nations ; place à la négociation où il s'agira toujours de faire prévaloir ses propres intérêts !

Un mot vient immédiatement à l'esprit s'agissant de Trump : rodomont. Il n'est en rien anodin que le terme provienne d'un personnage du Orlando Innamorato de Matteo Maria Boiardo, repris dans le Orlando furioso de l'Arioste. Tout y est: la vantardise, les gestes appuyés, la bravoure simulée, le mépris affiché pour tout ce qui n'est pas soi et cette façon si hautaine d'être constamment intrusif. Qui contraint l'entourage à sur-jouer à son tour : il n'est qu'à considérer la fameuse poignée de main, tant commentée, que Macron lui-même se piqua de qualifier de non innocente ! Rodomonte part à l'assaut d'un pont mais il faut que cela se sache et tout dans ses actes est monté en épingle.

On navigue ici entre l'insupportable et le ridicule achevé ! Comment ne pas songer au faquin, butor de pied plat ridicule de Rostand ?

Le plus attristant en l'affaire reste encore que ce bélître entraîne les autres protagonistes dans cette sinistre vulgarité les obligeant à confondre politique et fanfaronnade de cour de récréation.

… Au réel

Pourtant, sous ces artifices vulgaires, il y a bel et bien une réalité, abrupte ou plus exactement un invraisemblable et tragique déni de la réalité. Son long discours, ironiquement prononcé dans les jardins de la Maison Blanche, discours truffé de répétitions et de circonvolutions aussi vaines que lassantes visant toutes à égrener l'América First en quoi se réduit toute sa pensée politique, plombé de chiffres faux, de balourdes vantardises et de provocations futiles, son intervention, dis-je, est aveu criant de la totale incompréhension des enjeux à venir. Celui-ci, j'ose à peine écrire raisonne avec les canons de l'ancien monde et n'a en rien compris que les enjeux étaient désormais mondiaux, globaux. Joue le court terme et les intérêts locaux, se joue des rapports de force d'une Amérique qu'il croit encore sur-puissante ne percevant pas même combien ce faisant il l'affaiblit en même temps que les espérances d'avenir ; joue l'industrie du XIXe siècle contre une modernité qu'il ne comprend ni ne veut comprendre.

Concrètement, la décision de sortir de l'accord de Paris n'entrave en rien la démarche : au contraire puisque les USA, une fois dehors, n'ont plus les moyens d'en freiner ou limiter les modalités. Mais politiquement c'est un contre-sens historique majeur !

C'est l'honneur d'une démocratie de ne pas confier la totalité des pouvoirs à un seul et de le contraindre par tout un réseau de contre-pouvoirs. On verra bien si demain la démocratie américaine est encore capable de limiter les désastres de celui qu'elle n'a su empêcher d'accéder aux faîtes de la puissance. Ce qui est certain est que cet homme est l'ultime borborygme d'un monde en train de disparaître.

Ce qui l'est moins tient dans la capacité des autres, et notamment de l'Europe qui tient là une opportunité forte de se redonner lustre et ambition, à inventer une politique environnementale mondiale et à contenir les ressacs vertigineux d'une Amérique qui naviguant à contre-courant, est en train de perdre son leadership. La géopolitique mondiale n'a plus rien à voir avec le tandem écrasant et antagoniste de l'après-guerre même si la Russie de Poutine en jouant elle aussi du coude, tente de recouvrer une place perdue en 1989, et a déjà été ouverte par l'émergence de la Chine, de l'Inde …

L'avenir de toute manière se jouera ici car aucune économie ne pourra seule assumer les coûts économiques, sociaux et humains des désastres environnementaux à venir. L’Europe, en panne depuis trop longtemps, a ici, avec d'autres, une avenue devant elle. Saura-t-elle l'emprunter ? en a-t-elle encore l'énergie, la volonté et la sève ? C'est en tout cas de sa capacité demain à initier un mouvement fort que dépendra la possibilité de sortir les USA de l'improbable isolement où elle est en train de se reclure.