Bloc-Notes 2016
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Goethe Faust

 

Cabinet d’étude
FAUST.
(entrant avec le barbet)


J’ai quitté les champs et les prairies qu’une nuit profonde environne. Je sens un religieux effroi éveiller par des pressentiments la meilleure de mes deux âmes. Les grossières sensations s’endorment avec leur activité orageuse ; je suis animé d’un ardent amour des hommes, et l’amour de Dieu me ravit aussi. Sois tranquille, barbet ; ne cours pas çà et là auprès de la porte ; qu’y flaires-tu ? va te coucher derrière le poêle ; je te donnerai mon meilleur coussin ; puisque là-bas, sur le chemin de la montagne, tu nous as récréés par tes tours et par tes sauts, aie soin que je retrouve en toi maintenant un hôte parfaitement paisible.

Ah ! dès que notre cellule étroite s’éclaire d’une lampe amie, la lumière pénètre aussi dans notre sein, dans notre coeur rendu à lui-même. La raison commence à parler, et l’espérance à luire ; on se baigne au ruisseau de la vie, à la source dont elle jaillit.

Ne grogne point, barbet ! Les hurlements d’un animal ne peuvent s’accorder avec les divins accents qui remplissent mon âme entière. Nous sommes accoutumés à ce que les hommes déprécient ce qu’ils ne peuvent comprendre, à ce que le bon et le beau, qui souvent leur sont nuisibles, les fassent murmurer ; mais faut-il que le chien grogne à leur exemple ?…

Hélas ! Je sens déjà qu’avec la meilleure volonté, la satisfaction ne peut plus jaillir de mon coeur…

Mais pourquoi le fleuve doit-il sitôt tarir, et nous replonger dans notre soif éternelle ? J’en ai trop fait l’expérience  !

Cette misère va cependant se terminer enfin ; nous apprenons à estimer ce qui s’élève audessus des choses de la terre, nous aspirons à une révélation, qui nulle part ne brille d’un éclat plus pur et plus beau que dans le Nouveau Testament. J’ai envie d’ouvrir le texte, et m’abandonnant une fois à des impressions naïves, de traduire le saint original dans la langue allemande qui m’est si chère. (Il ouvre un volume, et s’arrête.) Il est écrit : Au commencement était le verbe ! Ici je m’arrête déjà ! Qui me soutiendra plus loin ?

Il m’est impossible d’estimer assez ce mot, le verbe ! il faut que je le traduise autrement, si l’esprit daigne m’éclairer.

Il est écrit : Au commencement était l’esprit !. Réfléchissons bien sur cette première ligne, et que la plume ne se hâte pas trop ! Est-ce bien l’esprit qui crée et conserve tout ? Il devrait y avoir : Au commencement était la force ! Cependant tout en écrivant ceci, quelque chose me dit que je ne dois pas m’arrêter à ce sens. L’esprit m’éclaire enfin ! L’inspiration descend sur moi, et j’écris consolé : Au commencement était l’action !