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« Hollande signe l’incapacité de la gauche à faire évoluer le socialisme pour lui assurer sa survie »
LE MONDE du 02.12.2016

 

Comme Jacques Delors en 1995, François Hollande signe l’incapacité de la gauche à faire évoluer le socialisme pour lui assurer sa survie.

C’est le deuxième renoncement prononcé en direct à la télévision. Le deuxième échec de cette gauche réformiste qui ne sait pas comment faire évoluer le socialisme pour assurer sa survie. En écoutant François Hollande annoncer aux Français, jeudi 1er décembre, qu’il ne se présenterait pas à la présidentielle de 2017, on ne pouvait s’empêcher de penser à Jacques Delors apprenant au pays, le 11 décembre 1994, qu’il ne serait pas candidat à la présidence de la République en 1995.

Comme Jacques Delors il y a vingt-deux ans, François Hollande, qui fut naguère son disciple, a commencé son intervention télévisée en donnant l’impression d’y croire et de vouloir concourir et puis, à la fin, même constat : les conditions ne sont pas réunies, je renonce.

Bien sûr, il y a une grande différence entre les deux hommes : le premier était à l’époque la coqueluche des sondages, le grand favori à gauche. En dépit de cela, le président de la Commission européenne n’avait pas voulu plonger dans le grand bain présidentiel.

Le second a osé se faire élire président en 2012 mais mal lui en a pris : quatre ans plus tard, il est devenu le mal aimé des sondages, la cible de son camp, l’homme à abattre, celui que la gauche, et même les socialistes qu’il avait conduits onze ans durant comme premier secrétaire, ne reconnaît plus comme l’un des leurs.

Majorité rétrécie

Jacques Delors avait théorisé qu’il lui fallait l’appui du centre pour réussir son septennat, faute de quoi il n’aurait pas de majorité pour mettre en œuvre sa politique, qui révulsait une partie de la gauche. « Les déceptions de demain seraient pires que les regrets d’aujourd’hui », avait-il plaidé dans une vision prémonitoire.

François Hollande disposait au début de son quinquennat de l’appui d’un centriste, François Bayrou, le patron du MoDem, qui avait osé franchir le Rubicon par détestation de Nicolas Sarkozy. Mais le socialiste n’a pas écouté le centriste. Il n’a pas voulu élargir la majorité et, très vite, celle-ci s’est rétrécie comme peau de chagrin.

Une grande partie du drame s’est joué en 2014 lorsque la politique de l’offre a été mise en œuvre parce que le pays était arrivé au bout de ce qu’il pouvait supporter en termes de fiscalité et de coût du travail.

Le candidat Hollande avait tout simplement oublié d’en faire l’un des thèmes de sa campagne, si bien que lorsqu’il a accepté d’assumer le tournant des baisses de charges patronales et de les conduire jusqu’à leur terme, il n’y avait plus grand monde à gauche pour le soutenir. Le Parti communiste avait déjà fait sécession, les Verts quittaient le navire et, à l’intérieur même du Parti socialiste, les frondeurs commençaient à mener un efficace travail de sape.

Mystérieux silence

Cependant, de nombreuses occasions se sont présentées durant ce quinquennat endeuillé par les attentats pour tenter l’ouverture. Mais jamais François Hollande ne s’est livré à la plus élémentaire explication de ses visées devant les Français.

Ce silence restera le grand mystère du quinquennat. François Hollande voulait que la gauche perdure. Il savait pour cela qu’elle devait évoluer idéologiquement, devenir plus sociale-libérale. Mais à aucun moment il n’a pris la peine d’accompagner sa mutation.

Jeudi soir, il s’est sabordé en revendiquant haut et fort l’étiquette « socialiste », laissant le premier ministre, Manuel Valls, et son ancien ministre de l’économie, Emmanuel Macron, se disputer la relève « progressiste. »