Chronique d'un temps si lourd

Dégoût

C'est, on le sait, le mot que laissa René Crevel après son suicide : Prière de m'incinérer. Dégoût

CicéronC'est le mot qui me vient, sans y plus réfléchir, à entendre l'actualité et ce n'est certainement pas un hasard si, après avoir déposé ici des notules sur l'actualité depuis 2007 j'y aurai presque systématiquement renoncé depuis 2012.

Il n'était pas suffisant que la gauche au pouvoir ne ressemblât à rien - en tout cas pas à la gauche - au point de faire regretter les années Jospin qui en comparaison font figure d'oasis ; ce n'était pas assez que la finance, avec cette morgue et ce cynisme qui lui ressemblent tant s'acharnât ainsi à préserver les intérêts des nantis et tapât aussi dru qu'elle le peut sur les petits, les pauvres au point de vouloir imposer ici et là la baisse des salaires, des retraites. Salauds de pauvres !

Il fallut encore que la violence aveugle de la sottise ordinaire et de la haine savamment entretenue fît on œuvre.

Au nom de quoi pourrions-nous encore nous insurger, de quelles valeurs nous draper, nous qui répandons si méticuleusement autour de nous fétide et avaricieuse vanité, scientifique spoliation cyniquement retraduite en liberté ?

Dénoncer les attentats, s'inquiéter de la montée des intolérances de tout poil est une évidence ! Faible et inutile ! Il n'est plus d'oreille pour entendre l'appel à l'autre ! La démocratie est en train de perdre : ce qui est déjà inquiétant ; elle qui cède le pas à chaque coup de butoir et demeure impuissante à se défendre, faute de chercher à regarder au delà de ses misérables lignes de compte.

L'humanité de l'homme aussi : ce qui est tragique. Quelque chose, qui s'insinua un jour entre Athènes et Jérusalem est en train d'expirer. Dans l'indifférence générale. Je ne suis pas sûr que nous parvenions jamaus à nous en remettre. Je ne suis pas certain, décidément, que ce monde mérite de se survivre.

Ne pas céder aux sirènes de la déprime ambiante ; demeurer vigilant et lucide : soit ! Mais que ces temps de fin d'espérances épuisent douloureusement la confiance spontanée que je puis avoir.

L'envie de plus en plus malaisée à combattre de me retirer.