palimpseste Chroniques

Affaires

Une intervention rapidement enregistrée avant de s'envoler pour Rabat ... voici qui en dit long sur l'importance de la crise au sein même de l'appareil d'Etat après les aveux de Cahuzac, reconnaissant, après l'avoir tant nié, détenir finalement un compte en Suisse.

La presse s'en mêle, s'emmêle d'ailleurs, après avoir dénigré savamment ses collègues de Médiapart, lui vouant désormais assaut d'éloges.

Affaire révélatrice, plusieurs fois, d'une période sombre, qui ne provoque autant de rebonds que parce qu'elle puise sa source dans les fondamentaux de la République.

Revenons-y !

Vérité & mensonge

Nous n'avons pas la culture anglo-saxonne de la vérité et n'avons pas, hormis dans les prétoires, fait du mensonge un parjure. Le faudrait-il ? Certains s'interrogent ... Je ne suis pas certain que la question soit là ni dans la précipitation à changer la loi aux premières anicroches ! Mais que ceci participe grandement à la dévaluation catastrophique de la parole publique est une évidence. La surenchère d'interprétations à quoi tous se livrent, et nous ici parfois, savourant ce qui de l'art de la communication peut être un beau coup ou un ratage complet y participe indéniablement. Nous avons érigé, et tout particulièrement les campagnes présidentielles, en exercices de style plus ou moins brillants sans plus toujours soucier de la véracité du propos. Souvenons-nous du meeting du Bourget et ce monde de la finance présenté comme le seul véritable adversaire ...

Trop de com tue la com 1 ... aimerait-on écrire ... mais s'il ne s'agissait que de ceci ! On touche ici à ce qui fait le fond de toute représentation nationale : l'habileté a pris le pas sur l'engagement. Il n'est pas de discours qui tienne sans une communauté minimale de référence. Que le discours renvoie aux concepts, évidemment, mais qu'au moins ces derniers soient partagés ! Ce n'est plus le cas. Au même moment, tel scandale alimentaire révèle identiquement combien il est vain de se fier à tel ou tel label, à tel ou tel étiquetage ; au même moment les crises financières se succédant les unes aux autres révèlent la vanité de l'autorégulation qu'en bon libéraux les banquiers se sont targués de s'appliquer à eux-même comme garantie suprême de leur efficacité.

Ce ne saurait être tout à fait un hasard que les discours dévient si aisément du côté de la morale : il en va des principes, effectivement. Et du premier d'entre tous, la confiance si brutalement mise à mal. Il y va de la foi en la parole donnée ! Elle est ruinée ! Que ceci emporte le risque d'une dérive extrémiste est probable ! Que ceci illustre la fracture abyssale entre le souverain populaire et la sphère dirigeante est patent ; terriblement dangereux ! je ne connais pas de peuple qui se satisfasse longtemps d'une telle distorsion ; qui ne finisse pas un jour, sous une forme ou une autre par renvoyer dos à dos tout ce petit monde.

Avec l'agitation sarkozyste succédant à l'électoralisme paresseux d'un Chirac auront polarisé un point de non-retour inquiétant, On aura franchi cette ligne au delà de quoi plus rien n'a de sens et où l'habileté même du discours devient le signe de sa non pertinence. Dans un système, médiatique où la parole est omniprésente ; politique où la parole d'un seul écrase tout le reste, ceci est tout particulièrement dévastateur.

Monarchie

Système à bout de souffle, dit P Ory, sans doute, mais d'abord parce que notre constitution aura dérivé grandement, depuis le quinquennat, vers une réelle monarchie entendue comme le pouvoir d'un seul. Que celui-ci vienne à défaillir, ou sembler seulement un peu plus faible, et tout l'appareil se grippe.

E Pleynel a tort : le problème n'est pas celui de la corruption en tant que telle. Car cette dernière ne peut fleurir que pour autant que les contre-pouvoirs cessent d'être efficaces ou disparaissent. La presse ne peut à elle-seule tenir ce rôle d'ailleurs, pour ce qu'elle n'est jamais qu'un pouvoir auto-institué, en mauvais état économique d'ailleurs, et pour lequel les français nourrissent une assez grande défiance d'ailleurs - ce qu'attestent les enquêtes régulières.

Le régime entier tient dans l'élu présidentiel, pour un temps de plus en plus court ne faisant que renforcer les effets de courtisanerie et l'isolement inévitable dès lors de la présidence en dépit des éventuelles bonnes volontés. Tout à fait remarquable à ce titre est le fait que l'absence de pression de l'exécutif sur le législatif finisse par se retourner contre lui au titre soit de la naïveté soit de l'incompétence. La normalité fait long feux et Hollande en paie désormais le prix - élevé. Le gouvernement ne retrouve pas sa place, le parlement non plus ! Mais tout cela, la concentration du pouvoir entre quelques mains, se fait au moment même où, effet du libéralisme échevelé et de la dérégulation assumée, la compétence du politique se sera réduite comme peau de chagrin. Le pouvoir décidément est une savonnette étrange : non seulement elle glisse d'entre les mains mais salit de surcroît ! L'attente est diffuse, contradictoire, signe effectivement d'un système épuisé où toute velléité de réforme se retourne contre elle-même et affaiblit encore le malade ! A la fois on attend du pouvoir l'impossible, le miracle en même temps qu'on le relègue dans un mépris de bon aloi - ils font ce qu'ils peuvent - à une défiance lourde de menaces - tous pourris !

C'est bien actuellement à un procès en délégitimation que l'on assiste : la remise en cause initiale mais habituelle de la compétence de la gauche au pouvoir n'était qu'un hors d'oeuvre : or cette délégitimation frappe tout le monde, à gauche comme à droite ! Après l'épisode fâcheux mais au moins encore politique de la bataille pour la tête de l'UMP, la remise en cause des comptes de campagne de Sarkozy, son inculpation dans l'affaire Bettencourt, et désormais Cahuzac, avant d'autres péripéties. Tout est prêt désormais pour un processus victimaire où l'on n'aurait plus qu'à choisir, au gré, le sacrifié pour mieux souder le corps social ! L'actualité peut se lire désormais avec la grille anthropologique de Girard : les protagonistes sont désormais jumeaux, s'ils ne l'étaient pas tout à fait ! le mécanisme est en marche. Redoutable.

L'épuisement d'un système se mesure à ceci que les manettes ne répondent pus : quoiqu'on fasse cela revient au même ! Nous y voici ! Et le coup de balai revendiqué par Mélenchon annonce d'autres cris, bien plus dangereux encore ! On reconnaîtra la posture de Hollande à sa capacité demain, de sortir de la nasse non par un grand coup, mais par un véritable souci de refondation ! Je doute qu'il le sache, le puisse mais surtout le veuille ! En d'autres temps - 1958 - De Gaulle sut, avant de régler la question algérienne, mettre l'urgence sur la refondation institutionnelle. On en est là ! Il n'est pas un régime en France depuis 89 qui ne s'érigeât en contestation du précédent : jusqu'à quand devrons-nous boire le calice amer ? La question d'une VIe République se pose effectivement même si, dans le contexte néolibéral d'une financiarisation mondialisée, celle du périmètre étroit du pouvoir ne sera pas pour autant résolu.

Tristes perspectives ... à moins d'avoir l'espérance paradoxale d'un Morin que ce soit précisément au fond du gouffre que puissent lever les ferments de la nouveauté !

 

 

 


1) relire