palimpseste Chroniques

ITV Cohn-Bendit
Libération Septembre 2012

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Le conseil fédéral d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), qui se déroulait ce week-end à huis clos à Paris, a adopté, par 77 voix contre 24, une motion prônant le non au traité budgétaire européen. Une rupture dans les positions du mouvement écologiste, qui avait, en 2009, obtenu 16,3% des voix aux élections européennes sur un programme très pro-européen. Coprésident du groupe des Verts au Parlement de Strasbourg, Daniel Cohn-Bendit s’est aussitôt mis en congé du parti.

Vous venez d’annoncer que vous mettiez «provisoirement entre parenthèses» votre participation à EE-LV. Comment jugez-vous la position du mouvement sur le traité budgétaire européen ?

Elle est irresponsable et incohérente. Ceux qui l’ont fait voter sont redevenus les Verts. Europe Ecologie-les Verts n’existe plus. Déjà, Eva Joly avait rayé l’écologie de son discours pendant la campagne présidentielle. Maintenant, c’est l’Europe qui a disparu. Ce n’est plus EE-LV, ce ne sont que les Verts qui s’enferment dans une position totalement incohérente sur le traité européen, en totale contradiction avec ce que nous avons défendu depuis des années dans le mouvement écologiste. Voter contre le traité, mais par ailleurs voter le budget qui en est la conséquence directe, c’est du grand n’importe quoi. Car le budget, ils vont le voter !

S’il faut refuser le traité, nous expliquent-ils, c’est parce que c’est un traité d’austérité budgétaire, et qu’ils ne veulent pas d’austérité en Europe. Mais à l’arrivée, ils voteront pour l’austérité budgétaire. S’ils sont contre le traité, il faut voter contre le budget. Où est la cohérence ? De toute évidence, la cohérence et le courage politique, ce n’est pas leur problème. Ils ont juste bien compris que s’ils votent contre le budget, ils ne seront plus dans la majorité, donc plus au gouvernement. Ils veulent le beurre, l’argent du beurre et les beaux yeux de la fermière ! Pascal Durand qui, comme secrétaire national d’EE-LV, s’était engagé à être le garant de l’équilibre entre les différentes composantes d’EE-LV, a appelé à voter non au traité. Je n’ai plus ma place dans un mouvement qui fonctionne comme cela.

Vous vous mettez «provisoirement» à l’écart d’EE-LV, et ce n’est pas la première fois que vous marquez vos distances. Pourquoi ne pas claquer la porte pour de bon ?

J’ai dit provisoirement, car je n’ai pas encore eu le temps d’en parler avec ceux qui partagent mon point de vue. Et qui représentent un bon tiers du mouvement. Je ne sais pas encore s’il est plus utile que je m’exprime en continuant à payer ma cotisation à EE-LV, ou que l’on en tire les conclusions et qu’on entérine la rupture entre les Verts et Europe Ecologie. Est-ce que l’on pense qu’il y a encore une chance pour qu’EE-LV retrouve la démarche qui fut à l’origine de sa création ? Ou faut-il tirer un trait et construire autre chose pour défendre l’écologie en Europe et se présenter aux élections à côté de Mélenchon et des Verts ? Jean-Paul Besset, député européen EE-LV, vient déjà d’en tirer une conclusion. Il a annoncé qu’il renonçait à lancer une Fondation de l’écologie politique, puisque, désormais, elle ferait double emploi avec la Fondation Copernic !

La position adoptée par le conseil fédéral d’EE-LV ne met-elle pas en porte-à-faux les parlementaires et les ministres écologistes ?

Pascal Canfin [ministre délégué chargé du Développement] a timidement prôné l’abstention. Quant à Cécile Duflot, elle est aux abonnés absents. Pour les députés et sénateurs d’EE-LV, je ne m’inquiète pas trop. Maintenant qu’ils sont élus, qu’ils ont leur groupe parlementaire, ils vont trouver le moyen de se mettre en accord avec la position du mouvement sans remettre en cause leur participation à la majorité gouvernementale. Certains voteront pour la loi organique ou s’abstiendront, d’autre voteront contre.

Mais tous vont voter la déclaration de Jean-Marc Ayrault et le budget. Comme ça, il n’y aura pas de risque de remettre en cause la participation au gouvernement.