palimpseste Chroniques

Hollande dans le bas-côté de la popularité
Libération Septembre 2012

janvier février mars avril mai juin juillet aoüt septembre octobre novembre décembre

 

RÉCIT Confronté à une chute vertigineuse dans les sondages, le chef de l’Etat réclame d’être jugé sur ses «résultats».

Par LAURE BRETTON


Cette fois, c’est Angela Merkel en personne qui lui a tendu une bouée. La cote de popularité de François Hollande périclite à une vitesse jamais vue sous la Ve République. Mais, samedi soir à Ludwigsbourg où elle le recevait, la chancelière allemande a recommandé au président français d’ignorer les sondages, exemple historique à l’appui. Si le général de Gaulle les avait écoutés, a-t-elle estimé, il n’aurait jamais prononcé, dix-sept ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, son discours fondateur sur la réconciliation entre la France et l’Allemagne, privant l’Europe d’une «audace» salutaire (lire aussi page 8).

Bouclier. Hollande, qui a troqué son costume de «président normal» pour endosser celui de chef d’Etat «de combat» depuis la rentrée, n’a pas attendu les conseils de Merkel pour faire le dos rond. Même si la chute du baromètre Ifop-Journal du dimanche est particulièrement sévère (-11 points en un mois et 56% de Français mécontents), il rappelle, à chaque enquête d’opinion, que les mandats politiques sont faits «de hauts et de bas», réclamant d’être jugé «sur les résultats». Le bouclier du temps long contre les lames du quotidien.

Plans sociaux déstockés, chômage qui s’enkyste, croissance et consommation en berne : «Rien ne nous est épargné, ce n’est pas plus mal», a-t-il même récemment confié à ses visiteurs, visiblement pas impressionné à l’idée d’affronter ce gros temps économique. Mais alors qu’il y a quinze jours, il se donnait deux ans pour récolter les premiers fruits des réformes de l’«agenda du redressement», François Hollande repousse désormais cette borne à la fin de son mandat. «Le seul résultat qui compte, c’est le vote des peuples lorsqu’ils sont consultés», a-t-il fait valoir en Allemagne.

Face à cette dégringolade de l’exécutif, Bernard Cazeneuve temporise. «Les Français souffrent, on ne va pas leur demander d’être cléments, mais dans ces sondages, c’est l’état de la France qu’ils jugent», analyse le ministre délégué aux Affaires européennes, pour qui «le temps de l’impatience est forcément décalé par rapport aux résultats de l’action publique». En pleine crise, abonde Benoît Hamon, «on annonce des nouvelles difficiles à entendre pour les Français, je ne vois pas comment on pourrait être populaires». Mais «l’erreur la plus magistrale, ce serait de commencer nous-mêmes, au bout de quatre mois, à dire que nous allons échouer, qu’on ne peut rien faire», prévient le ministre de l’Economie solidaire.

Paradoxalement, vu les difficultés, la majorité attend presque avec impatience le débat budgétaire à l’Assemblée, début octobre. «Un budget, ça donne des perspectives. On va rentrer dans le dur : les Français vont voir notre engagement de rétablir plus de justice économique et fiscale prendre forme», veut croire le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici. Certains, dans la majorité, commencent cependant à s’inquiéter du désamour qui va s’aggravant depuis le printemps. «Il faut savoir ce qu’on veut : les inquiétudes dans l’opinion publique, est-ce qu’on les combat ou est-ce qu’on ne fait que les relayer ?» s’interroge un ministre de haut rang. Ce qui, explique-t-il, vaut autant pour le discours présidentiel en boucle sur la crise «d’une gravité exceptionnelle» que pour ceux du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, accusé entre autres de surfer sur une opinion «fragilisée par les campagnes de la droite» pour reculer sur le vote des étrangers.

Huis clos. Il y a égalament les silences. Alors qu’il revendique son ADN européen et enquille les rendez-vous avec ses homologues de l’Union, Hollande n’a toujours pas parlé d’Europe aux Français. Un grand discours devant le Parlement européen avait été un temps envisagé mi-septembre avant d’être annulé. Une expression du chef de l’Etat - tribune, interview, conférence de presse ? - doit se faire «sans tarder», assure Cazeneuve, sans plus de précision. Or le temps presse. Le débat parlementaire au sujet du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) s’ouvre aujourd’hui et les positions se sont sédimentées. Les écologistes ont massivement rejeté le traité, relançant le débat sur leur participation au gouvernement (lire ci-contre). Or, reconnaît un pilier de la majorité, «c’est très difficile d’y aller au coup de sifflet avec les Verts quand on a une grosse vingtaine de récalcitrants dans nos rangs» au PS.

François Hollande s’envole demain pour New York et l’Assemblée générale des Nations unies. Lui qui dit consacrer la moitié de son temps présidentiel aux affaires internationales tente de «maintenir le fil» avec les Français. Il faut, plaide-t-il en privé, «qu’ils aient le sentiment qu’on fait tout. Après, ils peuvent critiquer, s’en prendre à tous ceux qui passent. Mais, au moins, qu’ils sachent que je suis disponible et que l’on fait ce que l’on doit».

D’où les déjeuners présidentiels avec des élus qui se multiplient pour prendre le pouls de l’opinion et les consultations confiées à ses proches, comme le maire de Quimper, Bernard Poignant, afin de «faire remonter» les informations. D’où, surtout, ces rencontres à huis clos avec les salariés dès qu’il le peut désormais. Ceux du groupe volailler Doux, à Rennes, ou de PSA, reçus à nouveau à l’Elysée vendredi. Mais le Président n’a pas acté le gel du plan social du constructeur automobile comme l’espérait la délégation, annonçant seulement la tenue de négociations tripartites (Etat, syndicats, entreprise). Devant le palais présidentiel, sur les tee-shirts des syndicalistes déçus, on pouvait lire en grosses lettres un mélange de déception politique et une promesse d’automne social chaud : «Le changement, ce sont nos luttes qui le feront.»