Histoire du quinquennat

«La vulgate écologiste n'évoque jamais la question démographique. Ici c’est fait»

Yves Michaud, philosophe, réagit pour «Libération» à l'étude publiée par la revue «Nature» sur l'imminence de changements climatiques majeurs.

 

L'étude publiée par Nature a deux caractéristiques qui me sautent aux yeux.

Elle reprend sans en omettre un tous les clichés de la scientificité (références profuses, chiffres – y compris à la louche ! -, terminologie abstraite, renvois) tout en développant des conjectures «à la pelleteuse» qui évaluent, par exemple, les phases d’extinction d’espèces à, chacune, 2 millions d’années «mais elles auraient pu être beaucoup plus courtes». Pour de la science, voilà de la science ! Par moments, j’ai eu l’impression de lire du Sokal.

Elle repose, en revanche, sur deux considérations de parfait bon sens : la possibilité démultipliée d’effets papillon locaux et globaux aboutissant à des basculements catastrophiques, l'énorme pression écologique exercée par la démographie humaine (bientôt 9,5 milliards d’humains) et nos modes de vie. Sur ces derniers points, rien à redire, au contraire puisque la vulgate écologiste n'évoque jamais la question démographique. Ici au moins c’est fait.

Maintenant, on fait quoi ? Les remèdes proposés dans les dernières lignes relèvent de l’incantation : baisse de la démographie, changement des modes de vie et des consommations énergétiques, préservation des zones de biodiversité encore intactes etc., etc. On a déjà entendu tout ça. Tout le monde est d’accord, mais dans le même temps, on attend de l’industrie du 4x4 et du tourisme le retour de Sainte Croissance ! Qu’on me dise aussi ce que fera le dernier centenaire qui n’aura plus de nounou burkinabé pour prendre soin de lui...

Ma conviction est que l’humanité court à sa perte – inéluctablement. La «crise» illustre parfaitement cette fuite en avant qui n’a pour remède qu’une fuite en avant accélérée. Le singe humain, plus doué et plus vicieux que les autres, a réussi à mettre les autres espèces et la totalité de la nature sous sa coupe. Mort aux requins pourvu qu’on jouisse d’un spot qui donne de l’adrénaline sans avoir à perdre une jambe. Ça finira effectivement mal – mais point n’est besoin de science amphigourique pour le dire. La science-fiction l’a fait bien avant. Rappelez vous : ça s’appelait Blade Runner. Le livre de Dick à l’origine du film de 1982 date de... 1966.

Propos recueillis par Willy Le Devin