Il y a 100 ans ....

Mangin La force noire
Verbatim

 

 

On n'en peut douter, c'est la diffusion du bien-être et l'ensemble des idées démocratiques qui causent la décroissance de la natalité. L'habitude toujours plus grande du bien-être et l'aspiration vers l'aisance augmentent l'égoïsme de l'homme, qui évite les charges et les responsabilités d'une nombreuse famille, et l'égoïsme de la femme qui redoute les fatigues de la maternité; le sentiment de la prévoyance se développe et on calcule les conséquences d'une nouvelle naissance. Dans les classes qui possèdent, et qui sont de plus en plus nombreuses, les parents veulent laisser l'enfant dans une situation au moins égale à la leur, sinon supérieure. Dans un pays où toutes les carrières sont ouvertes à tous, la famille nombreuse paraît une charge qui entrave les ambitions individuelles
.p 35-36

Aujourd'hui, au prix de notre sang, par la force de nos armes, à la suite de luttes très rudes, nous avons fait régner la paix française et supprimé l'esclavage. Mais les luttes permanentes ont imprimé à la race noire, depuis les âges les plus lointains, un caractère guerrier qu'elle conservera forcément pondant de longs siècles. Les mélangea de races causés par les migrations, les grandes guerres et l'esclavage, ont été, au total, très heureux. Seules, les tribus forestières ont échappé en grande partie à ces influences. p 228

 

Le noir naît soldat plus encore que guerrier, car son instruction militaire est facile et il a le sentiment de la discipline. Cette facilité d'instruction, qui surprend au premier contact, vient de ce que les réflexes sont très faciles à dresser chez les primitifs, que n'a encore déformés aucun effort. Le noir n'a jamais peiné, car le travail de la terre, si dur en Europe, se réduit en Afrique à un débroussaillement sommaire et à un léger grattage, et d'ailleurs l'homme travaille tres pou. L'homme de recrue s'instruit par imitation, par suggestion; il a peu réfléchi avant d'entrer au service et on atteint chez lui l'inconscient presque sans passer par le conscient. La difficulté commence quand il s'agit d'en faire un bon tireur; on y a réussi chaque fois qu'on a du le temps pour soi, mais on l'a eu trop rarement. Après trois ou quatre mois d'instruction, parfois au bout de huit jours, il faut envoyer les hommes en colonne ou dans les postes la pénurie de nos effectifs nous y oblige. En sorte que nos troupes indigènes comptent quelques tireurs excellents, ceux qui ont été instruits complètement; une grande quantité de tireurs médiocres, dont l'instruction a été insuffisante; enfin, beaucoup de très mauvais tireurs, qui n'ont reçu aucune instruction. p 236-7

 

La ténacité dans les longues luttes est l'une des qualités les plus nécessaires dans les guerres modernes, dont la durée s'allonge, et dans lesquelles on prévoit des batailles de plusieurs jours. Le manque de nervosité de la race noire l'y rendra précieuse dans le combat, le soldat noir dépense moins de force nerveuse que tout autre et dispose par conséquent d'une somme do résistance et d'une puissance d'action plus considérables. L'insouciance du noir et son fatalisme deviennent alors des qualités; sa confiance dans les dispositions prises par ses chefs est imperturbable. Les fractions qui no sont pas directement engagées se reposent avec un sentiment de sécurité parfaite; elles dorment pour ainsi dire à commandement et réparent leurs forces que des troupes nerveuses useraient en les gardant tendues. Le Sénégalais possède donc une constance extraordinaire dans la résistance comme dans l'attaque. p 252

Dans les batailles futures, ces primitifs pour lesquels la vie compte si peu et dont le jeune sang bouillonne avec tant d'ardeur et comme avide de se répandre, atteindront certainement à l'ancienne « furie française n et la réveilleraient s'il en était besoin. P 258

Très utiles hier, nécessaires aujourd'hui, indispensables demain, les Troupes noires ne nous donneront pas seulement le nombre; elles sont composées de soldats de métier, habitués à toutes les privations et à tous les dangers, ayant vu le feu et tels qu'aucune puissance n'en possède en Europe elles ont précisément les qualités que réclament les longues luttes de la guerre moderne la rusticité, l'endurance, la ténacité, l'instinct du combat, l'absence de nervosité, et une incomparable puissance de choc. Leur arrivée sur le champ de bataille produira sur l'adversaire un effet moral considérable. Ces précieux avantages de nombre et de qualité sont des facteurs importants qui entreront en ligne dès la première bataille; p 343

 

Sous l'égide de la France, de riches moissons couvrent le sol de l'Afrique; mais les Français ne sont pas en nombre. Les Berbères avaient reçu l'empreinte romaine, mais l'Islam est venu, qui l'a effacée et les a marqués de son sceau indélébile. La France aura chez eux des protégés soumis et de braves soldats, elle ne peut compter sur leur dévouement. Ils évolueront dans le sillage de l'Islam, non dans celui de notre civilisation. I! faut regarder plus loin, par delà le Sahara, vers le monde noir, celui dos primitifs nets de toute marque, prêts pour la nôtre. Ils sont 20 millions d'hommes ils doublent à chaque génération. Au miliau du sièote, ils seront 80 millions; là est l'avenir p 353