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Intelligence collective ?
Est-ce ainsi qu'il faille nommer ce qui vient de se passer au législatives ? Ou crise majeure de la démocratie ?
Ou bien encore est-ce Macron qui aurait eu raison en affirmant en petit comité, le soir des élections : «on entre dans le bizarre»
Comme toujours dans ces cas-là, on peut considérer plutôt le verre à moitié plein ou plutôt à moitié vide. Ce n'est pourtant pas qu'une question de point de vue.
Certes le paysage est éclaté entre trois blocs principaux mais après tout - et ce malgré un scrutin majoritaire réputé exacerber la bipolarisation - pour la première fois depuis longtemps l'Assemblée reflétera assez fidèlement les forces en présence.
Certes, l'irruption, que personne n'avait prévue, de presque 90 députés du RN mais quoi ? l'anomalie aurait-elle pu se poursuivre longtemps sans accentuer encore le déni démocratique d'un courant, certes détestable, parvenu au 2e tour de la présidentielle mais ne parvenant à élire qu'une poignée de députées - comme en 2017 ?
L'essentiel ne serait-il pas le démenti cinglant apporté à la croyance de législatives offrant systématiquement une majorité à un président nouvellement élu ? Ce fut vrai en 81 et 88 quand Mitterrand procéda à la dissolution juste après ses victoires et à chaque fois depuis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier et donc en 2002, 2007, 2012 et 2017. Tout le monde s'accordait pour estimer que l'électorat ne saurait se dédire d'une élection à l'autre … pourtant !
A y regarder de plus près, on remarquera que, déjà en 88, l'électorat offrit effectivement à Mitterrand la possibilité de gouverner mais ne lui donna pas un blanc-seing : une majorité relative déjà quoique moins réduite puisque le PS obtint 275 sièges contre 271 pour la droite mais à quoi purent se rajouter les 27 élus communistes ou, selon les cas, quelques élus centristes.
Au delà des circonstances, et des indéniables erreurs stratégiques du camp présidentiel, on peut interpréter ces résultats comme le même refus d'un pouvoir total concédé à Macron. L'erreur aura été d'oublier qu'il ne fut réélu que par défaut, une évidente partie de la gauche votant pour lui ou s'abstenant pour empêcher Le Pen de gagner. Ce n'avait donc manifestement pas été un vote d'adhésion et assez ironiquement l'électorat aura pris au mot le président en sa promesse de gouverner autrement !
Surtout !
La dérive présidentialiste, au moins depuis Sarkozy, aura fini d'éreinter la logique des institutions. On peut toujours discuter la manière, très personnelle dont de Gaulle entendait la Ve et surtout dont il en usait, on ne peut néanmoins pas en nier la cohérence. Celle qui fut précisément démentie avec la réforme du quinquennat et l'inversion du calendrier.
J'en tire trois leçons :
- la logique des institutions exige que le président ait l'initiative ; imprime sa marque en nommant un gouvernement et en fixant le cap au moins général. En aura-t-il la sagesse et la capacité ? Pas certain tant les postures sont exacerbées ; tant Jupiter tout obnubilé de sa puissance est peu préparé à la nuance. Lui seul en l'état peut proposer ; l'Assemblée ne peut qu'approuver ou s'y opposer.
- ces institutions ont montré leur incroyable souplesse. Ont survécu sans trop d'anicroche à trois cohabitations. Et se rappellent désormais à notre bon souvenir : quoiqu'elles impriment le primat de l'exécutif, elles n'en demeurent pas moins parlementaires. Tout a l'air de se passer comme si le balancier repartait dans l'autre sens sitôt quelque excès commis
- l'inculture des journalistes : ce rappel obsessionnel sur l'absence de toute culture du compromis en France aura eu l'élégance de pointer leur ridicule. Ce n'est pas affaire de culture ! seulement d'institutions qui, précisément pour échapper à l'instabilité de la IVe, organisèrent l’impossibilité d'assemblées trop fragmentées. Et puis quoi, culture ici fonctionne comme si nous manquait quelque gène ! Cette essentialisation de tout problème est l'autre versant de l'ostracisme et racisme de l'extrême droite. Pourquoi donc est-il nécessaire de naturaliser un fait pour parvenir à l'expliquer ? Par paresse, simplement.