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Horreur

Comme si l'actualité se fût astreinte à me donner raison !

Cette exécution - il n'est pas d'autre mot - d'un enseignant pour avoir, à l'occasion d'un cours sur la liberté d'expression, montré à ses élèves les fameuses caricatures de Charlie. Qu'importent d'ailleurs les motifs, le détail des faits incriminés je ne sache pas que rien justifiât jamais un tel acte.

L'émotion à son comble évidemment et voici que refleurissent les slogans qui se veulent de solidarité ; qui ne me semblent pas moins pernicieux pour autant. Ce Je suis est encore manière d'affirmer l'appartenance, la compassion, la communauté quand ce n'est justement pas cela qu'il faudrait revendiquer mais la liberté et la raison.

Vieille lune des attentats de 2015, expression émouvante alors pour la levée en masse de femmes et d'hommes exprimant leur indignation mais dont on voit bien, avec le recul, qu'elle ne déboucha sur rien, aucune action, aucune expression politique, aucun véritable débat ni réelle lutte. Et que, cinq ans plus tard, les mêmes causes produisent les mêmes effets : des groupes, assurément fanatisés, ne supportent pas que l'on évoque leur religion, leur prophète ; leur dieu. Voient blasphème impardonnable dans le moindre discours, le moindre recul, la plus infime distance …

Je ne vois décidément, le meurtre mis à part, nulle différence entre celle qui juge ma parole illégitime parce que je ne participe pas du même genre, et ceux qui m'interdisent de parler, de juger : la même mise à l'écart, la même disqualification. La même réification.

L'arme des intolérants.

Nous avons pris la mesure de la violence sur quoi débouche ce type d'intolérance mais nous n'avons pas vraiment cherché à la comprendre ! seulement à la réprouver en nous affirmant du camp d'en face. Et voici que l'on invoque l'indignation et les réactions de la communauté éducative ne comprenant même pas que le réflexe identitaire relève précisément de la logique de l'adversaire ; qu'on ne l'emporte jamais avec les mots de qui veut votre disparition.

On pourra toujours s'agacer de la pleutrerie d'une administration qui se réfugie derrière les vagues qu'on ne doit pas faire ; relever comment, subitement, un incident dans un cours peut prendre des proportions invraisemblables ; on peut toujours chercher des responsables ici ou là ; suspecter des complots là ou des remugles pré-fascistes ici … les réseaux sociaux s'en chargent à l'envi.

La question n'est plus là !

Cette société a peur ! vit dans une atmosphère sans doute anxiogène. Comme toute société apeurée, elle s'abandonne à ses vieux démons. L'inculture, la sottise, le brouillage idéologique aidant, anathème, accusation et mise au ban paraissent bientôt de convénientes solutions. Chacun y va de son propre bouc-émissaire et les combattants ne réalisent même plus qu'ils se ressemblent ad nauseam.

Nous n'arrivons décidément plus à faire corps ! à faire société.

J'entends ici et là invoquer la République et ses valeurs ; la Nation. On n'invoque jamais plus ardemment que ce qui déjà, gît devant nous, putrescent.