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Ruptures ? … ben voyons

 

Macron hier soir pour faire le point sur la pandémie et les mesures prises et à prendre. Pas grand chose à en dire. Il a fait le job comme on dit maintenant. Un passage pour faire le point ; un remerciement appuyé aux personnels de santé, l'annonce de mesures fortes déjà prises ; de celles à prendre demain ; et un appel appuyé, trois fois répété à l'unité, à la grandeur de la Nation.

Exercice délicat, je le conçois, où il importe à la fois de mobiliser mais de ne pas affoler ; d'en faire assez pour produire la prise de conscience nécessaire mais pas trop pour ne pas susciter un vent de panique.

Je devine la contradiction voire la gêne ressentie quand il se fut agi d'en appeler à la mobilisation du service public de santé et, en général, de tout le service public, quand toute la politique conduite depuis des années - et récemment encore à l'occasion de la réforme des retraites - aura consisté sinon à une casse pour ceux qui estiment le terme trop fort, sinon à une privatisation pour ceux qui soupçonnent le terme trop politisé, en tout cas à un affaiblissement programmé via, notamment, la réduction du nombre d'agents ; la stagnation des salaires depuis 20 ans, voire, comme à la SNCF, la fin du recrutement sur statut au profit de recrutements sur contrats de droit privé. On ne dit pas impunément pendant 20 ans qu'il y a trop de fonctionnaires ; on ne néglige pas innocemment les alertes sur la surchauffe du système hospitalier : il y avait dans cet appel à la solidarité et au dévouement quelque chose d'à la fois strictement nécessaire et d'outrageusement cynique !

La presse est passée à côté toute frétillante qu'elle demeura d'un éventuel report des élections municipales ; report finalement non avenu. Pauvre presse qui n'aime rien tant que les petits grenouillages où elle demeure désormais seule à repérer intérêt ou spectacle ! Mais là où notre président aura été grandiose c'est quand il commença à suggérer les leçons qu'il faudra tirer de cette crise :

Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-Providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai.

Chiche ! et si on s'amusait - oh ne serait ce que quelques secondes - à feindre d'y croire ? Et qu'on jouât la naïveté ?

Réflexion de fond sur notre modèle de développement ? Mettre des biens et des services hors des lois du marché ? Folie que de déléguer à d'autres santé, cadre de vie ? Que lui arrive-t-il à notre prédicateur ? Aurait-il eu une révélation ? Les événements auraient-ils laissé remonter en son âme agitée les ultimes rémanences d'un esprit de gauche qu'il avait enfoui si profondément ou d'inavouables remugles égalitaires dont il s'était nonobstant cru purifié ?

Qu'il s'attire ipso facto l'ironie de Mélenchon n'est pas étonnant : il aura fallu une crise mondiale pour que le Président de la République comprenne que le modèle d'un monde est mort, tweete-t-il dans la foulée de l'intervention !

Qu'on ne me demande pas si j'y accorde créance ! pas une seule seconde. Mais jouer la rupture, réinvestir le disruptif comme il est parait-il élégant de se proclamer, et ne rien mettre en face des mots comme c'est déjà le cas pour la deuxième phase du quinquennat, ou la transition écologique, c'est, évidemment mentir ! c'est surtout élimer encore plus le crédit accordé à la parole politique qui ressemble déjà tellement à guenilles en lambeaux !

Curieuse prédisposition de nos libéraux chéris qui redécouvrent les vertus de la solidarité nationale et du service public quand il s'agit de socialiser les pertes mais les toise d'un dédain sidéral quand il s’agit de privatiser les gains.

On connaît la chanson qu'on nous a déjà servie en 2008 !

Passons à autre chose !