index précédent suivant

 

Accueil ->bloc-notes->2015

- >2016

-> 2017

 

 

 

Faire à l'homme, enfin, un pays digne de lui.
(discours complet)

Pouvais-je deviner, quand je fis de lui un rapide portrait durant la campagne, combien cet homme, et son discours, bientôt iraient m'époustoufler autant qu'irriter ?

Au delà de son indéniable habileté médiatique, que tout le monde a vue et qui n'entre pas pour peu dans l'idolâtrie des premiers jours de cet intermède que représente l'entre deux élections où tout est déjà en place mais durant lequel aucune action autre que symbolique n'est encore possible ; au delà de sa conception du pouvoir qui n'a en soi rien d'original dans la mesure où elle retrouve les marques fondatrices de l'esprit de la Ve mais hisser avec un incroyable aplomb à ces niveaux de généralités où la niaiserie le dispute au sublime.

Il y a un côté bisounours chez cet homme-là décidément ! Non qu'il soit candide - encore que ! - il sait les luttes, les dangers autant que les obstacles. Mais, écoutez-le, écoutez cette tonalité incantatoire de télévangéliste, cette oraison bien plus que péroraison, cette phrase scandée avec la suavité cauteleuse du prêche où il n'est même pas la peine d'en surenchérir sur les valeurs tant elles foisonnent sans qu'il soit même la peine de les nommer. Mais à côté de cela, une véritable pensée, nourrie de la République des origines - la référence à Mirabeau et Siéyès n'est en rien anodine, non plus que l'appel à une politique girondine - d'un libéralisme économique affiché et assumé bien sûr, mais toujours teinté d'une sorte de philosophie sous-jacente, difficile à définir exactement mais où morale et métaphysique ont leur part.

En chacun de nous il y a un cynique qui sommeille. Et c'est en chacun de nous qu'il faut le faire taire, jour après jour. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service que le peuple français attend de nous. Alors nous resterons fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu'elle est la plus grande, la plus belle qui soit: faire à l'homme, enfin, un pays digne de lui.

Entendre évoquer, dans un discours présidentiel,à la fois la part maudite de G Bataille et l'effectivité de S Weil ne peut me laisser indifférent. Même s'il y a dans ce discours une dose assez insupportable de messianisme où en finir avec le monde ancien, renaître à de nouvelles pratiques pullulent qui ne vont pas sans rappeler parfois le Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux.(Mt, 18,3), on ne peut pas nier qu'il y a sous la politique que cet homme-là entend mener, une véritable conception du monde une philosophie que le propos entend ici porter. N'est-ce pas après tout le moins.

J'ai assez souvent relevé ici combien le pragmatisme ambiant, et le libéralisme à la petite semaine pratiquassent systématiquement l'évidement de toute idéologie - qui n'est au reste rien de moins qu'une autre idéologie - pour me plaindre aujourd'hui d'une mise en lumière des présupposés de cette politique. Certes, l'histoire laisse mal augurer des philosophes inspirant le pouvoir ( Platon, Rousseau …) mais quoi, même si Arendt n'a pas tort de souligner combien depuis Platon, le philosophe ne peut en toute neutralité penser la politique au nom de l'humanité comme il le ferait en sciences du monde. se peut-il être une politique digne de ce nom qui ne cherchât à substituer à un réalité dure, brutale, violente un monde - une cité en tout cas - qui le fût moins et donc ne tentât au nom d'une conception du monde et de l'homme, au nom d'une conception des rapports entre l'homme et le monde ?

D'où l'embarras ! Je ne puis maugréer devant cette approche qui relève de l'humanisme dans ce qu'il peut avoir de plus noble ; or, mégoter devant ceci ou cela, devant cette tonalité prêchi-prêcha surtout, n'est-ce pas déjà verser du côté de ce cynique que Macron se plaît à fustiger en nous ? On ne fait pas de littérature avec de bons sentiments disait Gide ! Pas de politique, bob plus ! Or c'est bien de cela dont il s'agit ! Où l candeur flirte aisément avec la niaiserie.

Si son approche prend à bras le corps le défi environnemental, alors, oui, son humanisme ne peut que prendre les allures d'une révolution idéologique tant tout alors, de notre façon de considérer travail, économie, production et développement à notre manière d'envisager notre histoire et place dans le monde, méritent une manière radicale d'être repensé.

Est-ce de cela dont il s'agit ? Ou bien n'est-ce qu'habile apparat ?