Textes

sur Anaxagore

 

1. THÉOPHR., fr. 4 (Simplic. in physic,6 b,Vors. 383, 37-38/], 19). ·— De ceux qui admettent des principes en nombre infini, les uns les supposent simples et homogènes; les autres, composés, hétérogènes, contraires et caractérisés par ce qui y prédomine.Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène, après avoir suivi la philosophie d'Anaximène, fut le premier à réformer les opinions touchant les principes et à les compléter par la cause qui faisait défaut. D'un côté, il multiplia à l'infini les principes corporels; en effet, tous les homéomères, comme l'eau, le feu ou l'or, seraient inengendrés et impérissables; ils paraîtraient naître et se détruire par suite de simples compositions et décompositions, tous étant dans tous, et chacun étant caractérisé par ce qui y prédomine; ainsi ce qui paraît comme or contiendrait de l'or en grande quantité, mais tous les autres principes y coexisteraient également. Anaxagore dit en effet :« Dans tout il y a une part de tout » et « chaque chose est, pour l'apparence, ce dont elle contient le plus.» Théophraste dit qu'encela Anaxagore se rapproche d'Anaximandre; il dit en effet que, dans la décomposition de l’« infini », les similaires se réunissent, que la formation de l'or ou de la terre fut possible, parce qu'il y avait dans l'univers de l'or et de la terre; de même, pour chacune des autres choses, il n'y aurait pas eu naissance, mais préexistence dans le tout. D'autre part, Anaxagore, comme cause du mouvement et de la genèse, posa l'intelligence, grâce à laquelle la séparation engendra les mondes et la nature des divers êtres. A le prendre ainsi, dit Théophraste,il semblerait admettre les principes matériels en nombre infini, comme on l'a dit, mais, pour le mouvement et la genèse, une cause unique. Si donc on considère le mélange de toutes choses comme une seule nature indéterminée de forme et de grandeur, ce qu'il parait vouloir dire, il n'aurait de fait reconnu que deux principes, la nature de Γη infini » et l'intelligence; de sorte que, pour les éléments des corps, il se rapprocherait tout à fait d'Anaximandre.

2. THÉOPHR., fr. 19 (Aétius II, 29. — Vors. 392, 39). — Anaxagore, dit Théophraste, attribue aussi la défaillance de la Lune à ce que parfois il y aurait interposition de corps situés au-dessous d'elle.

3. THÉOPHR., fr. 23 (Alex. in meteor.,91 a.— Vors. 397, 37-41). — Il y a sur la mer une troisième opinion, que l'eau filtrant à travers la Terre et la lessivant devient salée, parce que la Terre renferme de pareilles saveurs; on en a donné comme preuves les mines de sel et de nitre, et les saveurs acres (des eaux) que l'on rencontre en différents endroits de la Terre. Cette opinion fut soutenue par Anaxagore et Métrodore.

4. PHILOSOPHUM. 8 (Vors. 384. 25-385, 28), — 1 Après Anaximène vient Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène. Il dit que le principe del'univers est l'intelligence et la matière, l'intelligence comme agent, la matière comme passive. Car toutes choses étant confondues, l'intelligence survint et les ordonna en les séparant. Les principes matériels sont en nombre infini et en même temps d'une petitesse infinie. — 2 Tout en général participe au mouvement dû à l'intelligence et les semblables se sont réunis. L'ordonnance du ciel résulte du mouvement circulaire; le dense, l'humide, l'obscur, le froid et, en général, tout ce qui est lourd, s'est réuni vers le milieu et s'y est figé, ce qui a formé la Terre; les contraires, le chaud, le lumineux, le sec, le léger, se sont portés vers le haut de l'éther. — 3 La forme de la Terre est plate; elle reste suspendue par suite de sa grande largeur et parce qu'il n'y a pas de vide; l'air est dès lors assez fort pour supporter la Terre. — 4 Le liquide de la Terre a formé d'une part la mer et de l'autre les eaux intérieures; une partie a donné naissance à des vapeurs qui sortent aussi du cours des fleuves. — 5 Les fleuves sont alimentés tant par les pluies que par les eaux que renferme la Terre; car elle est creuse et contient de l'eau dans ses cavités. Le Nil grossit en été par les eaux qui descendent de la fonte des neiges d'Ethiopie. — 6 Le Soleil, la Lune et tous les astres sont des pierres incandescentes entraînées par la révolution de l'éther. Le Soleil et la Lune sont au-dessous des astres, et il circule aussi au-dessous des corps qui nous sont invisibles. — 7 La chaleur des astres n'est pas sensible, à cause de leur grande distance de la Terre; ils ne sont pas d'ailleurs aussi chauds que le Soleil, parce qu'ils occupent une région plus froide. La Lune est plus basse que le Soleil et plus voisine de nous. — (8) Le Soleil surpasse le Péloponnèse en grandeur. La Lune n'a pas de lumière propre; elle est éclairée par le Soleil. Les astres tournent en passant sous la Terre. — (9) Les défaillances de la Lune sont dues à l'interposition de la Terre et parfois à celle de corps inférieurs à la Lune; le Soleil s'éclipse aux nouvelles lunes, par suite de l'interposition de la Lune. Les retours (aux tropiques) du Soleil et de la Lune sont occasionnés par la résistance de l'air; ceux de la Lune sont plus fréquents parce qu'elle ne peut aussi bien triompher du froid. — (10) Anaxagore a le premier déterminé ce qui concerne les éclipses et les phases; il a dit que la Lune est une terre et qu'elle présente des plaines et des précipices. La Voie lactée est l'effet de la lumière des astres qui ne sont pas offusqués par le Soleil. Les étoiles filantes sont comme des étincelles qui sautent, par suite du mouvement du ciel. — (11) Les vents proviennent de l'air dilaté par le Soleil et des embrasements qui montent vers le ciel et qui descendent. Le tonnerre et les éclairs sont dus au chaud qui tombe sur les nuages. — (12) Les tremblements de terre sont occasionnés par l'air supérieur tombant sur celui qui est au-dessous de la Terre; celui-ci étant mis en mouvement, la Terre qu'il supporte est ébranlée. Les êtres vivants sont d'abord nés de l'humide, et après cela, les uns des autres; les mâles se produisent quand la liqueur séminale, venant du côté droit, s'attache à la partie droite de la matrice; pour les femelles, c'est le contraire. —· (13) Il florissait Ol. 88,1, temps où l'on dit que naquit Platon.[1] On attribue des prédictions à Anaxagore.

5. ΕΡΙΡHAΝE, III, 4 (Dox. 589). — Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène, a dit que les principes de toutes choses sont les homéoméries.

6. HERMIAS, 6 (Dox. 652). —Lorsque Anaxagore me prend, voici ce qu'il m'enseigne : « L'intelligence est principe de toutes choses, cause et maîtresse de l'univers, elle donne l'ordre au désordonné, le mouvement à l'immobile, sépare ce qui est mêlé, fait un monde de ce qui est confus. » Un tel langage me plaît et j'adopte cette opinion.

7. CICÉRON (De deor. nat.,1, II. — Vois. 388, 6-14). — Puis Anaxagore, qui reçut les enseignements d'Anaximène, a le premier attribué la distinction et l'ordonnance de toutes choses à l'action raisonnable d'une intelligence infinie. Il n'a pas vu qu'il ne peut y avoir dans l'infini de mouvement joint et inhérent à un sentiment, ni pas davantage de sentiment que n'éprouverait pas la nature tout entière. D'autre part, s'il a voulu que cette intelligence fût comme un être animé, il y aura quelque chose d'intérieur, d'après quoi cet être animé sera nommé. Or, qu'y a-t-il de plus intérieur que l'intelligence? Il faut donc l'entourer d'un corps extérieur. Mais cela ne lui plaît pas, et son intelligence, pure et sans mélange, sans adjonction de rien qui puisse lui procurer un sentiment, paraît dépasser les forces de notre pensée.

8. AETIUS, I (Vors. 387, 8-21). — 3. Anaxagore, fils d'Hégésiboule, de Clazomène, a affirmé que les homéoméries sont principes des êtres. Il lui a paru tout à fait inexplicable que quelque chose devînt du non-être ou pérît en non-être. Or, nous prenons une nourriture qui a une apparence simple et uniforme, soit le pain, soit l'eau. De cette nourriture s'alimentent les cheveux, les veines, les artères, la chair, les nerfs, les os et toutes les autres parties. Il faut dès lors confesser que, dans la nourriture que nous prenons, coexistent toutes choses, et que toutes choses peuvent, par suite, s'en augmenter. Ainsi cette nourriture contient des parties génératrices de sang, de nerfs, d'os, etc., parties qui ne sont reconnaissables que par la raison; car il ne faut pas tout réduire aux sens, qui nous montrent que le pain et l'eau forment ces substances, mais reconnaître par la raison qu'ils en contiennent des parties. De ce que ces parties contenues dans la nourriture sont semblables aux substances qui en sont formées, il les a appelées homéoméries et a affirmé que c'étaient là les principes des choses, les homéoméries comme matière, et l'intelligence qui a ordonné l'univers comme cause efficiente. Il débute ainsi : Toutes choses étaient ensemble, l'intelligence les a séparées et ordonnées. Il faut l'approuver de ce qu'à la matière il a ajouté l'artisan.

9. HÉRACLITE (Allég. homér.,22 [Dox. 94]). — Anaxagore de Clazomène, qui par succession appartient à l'école de Thalès, ajouta à l'eau comme second élément la terre, pour que l'union du sec et de l'humide produisît par tempérament la concordance des natures opposées. L'origine de cette opinion remonte aussi à Homère, qui a fourni à Anaxagore le germe de son idée, en disant :

Mais puissiez-vous tous devenir terre et eau !

En effet, tout ce qui provient de certains éléments s'y résout également par la destruction, comme si la nature redemandait à la fin le prêt qu'elle a fait à l'origine. Aussi Euripide, sectateur des dogmes d'Anaxagore, dit :

« Ce qui est né de la terre retourne à la terre, ce qui a germé de la semence éthérée retourne à l'éther. »

(Cf.IRÉNÉE, C. hœr.,II, 14 [Vors. 398, 25] ; Anaxagore, qui fut surnommé l'athée, dogmatisa que les animaux sont nés de semences tombées du ciel sur la terre.)

10. AÉTIUS, I (Vors. 388, 1). — 7. Anaxagore dit que les corps existaient au commencement, mais que l'intelligence divine les a ordonnés et a produit la genèse de toutes choses. — Anaxagore : Dieu est l'intelligence qui a fait le monde. — 9. (Théodoret)La matière est sujette aux modifications, aux changements et à l'écoulement. — 14 (388, 23). Les homéomères ont toutes sortes de formes. — 17 (388, 35). D'après Anaxagore et Démocrite, les mélanges se font par juxtaposition des éléments. — 24. Empédocle, Anaxagore, Démocrite, Epicure et tous ceux qui forment le monde par réunion de corps très ténus, introduisent des compositions et des décompositions, mais n'admettent pas, à proprement parler, la genèse ni la destruction; car elles n'auraient pas lieu suivant la qualité par changement, mais suivant la quantité par réunion. — 29 (390, 12). Anaxagore et les Stoïciens : Le hasard est une cause obscure pour la raison humaine; les événements sont dus soit à la nécessité, soit à la destinée, soit au libre choix, soit au hasard, ou se produisent d'eux-mêmes. Le hasard est un nom donné à l'action non coordonnée.

11. AÉTIUS, II (Vors. 390, 2, 10, 16-20). — 1. Anaxagore : Le monde est un. — 4. Il est périssable. — 8. Diogène et Anaxagore ont dit qu'après la formation du monde et la production des animaux de la Terre, le monde s'est incliné de lui-même vers le Midi, peut-être par un effet de providence, pour que les différentes parties du monde devinssent les unes habitables, les autres inhabitables suivant l'excès ou le tempérament de la chaleur et du froid.

12. AÉTIUS, II. —· 13 (Vors. 391, 26). Anaxagore : L'éther environnant est igné par essence et la force de son mouvement révolutif a détaché de la terre des pierres qui, rendues incandescentes, ont formé les astres. — 16 (392, 41) Anaxagore, Démocrite, Cléanthe : Tous les astres se meuvent d'Orient en Occident. — 20 (391, 29-32). Anaxagore, Démocrite, Métrodore : Le Soleil est une masse ou une pierre incandescente. — 21. Anaxagore : Il est plus grand que le Péloponnèse. — 22. Les retours du Soleil sont dus à la résistance de l'air vers le Nord; cet air poussé par le Soleil et se condensant devient assez fort pour réagir. — 23 (392, 26). Anaxagore, Démocrite : La Lune est un corps solide incandescent qui renferme des plaines, des montagnes et des vallées. — 28 (392, 34). Anaxagore : Elle est éclairée par le Soleil. — 29. (Voir Doxog. de Thalès,12.) — 30 (392, 30). L'aspect de la Lune est dû à l'inégalité de la formation du mélange de froid et de terrestre; elle a des parties élevées, d'autres basses, d'autres creuses.

13. AÉTIUS, III (Vors. 393, 8, 14, 23, 35, 41) — 1.Anaxagore : La Voie lactée correspond à la partie du ciel où tombe l'ombre de la Terre, lorsque le Soleil passe au-dessous et n'éclaire pas tout autour. — 2. Anaxagore et Démocrite : Les comètes sont formées par le concours de deux ou plusieurs étoiles dont les lueurs se réunissent. — 3. Anaxagore : Lorsque le chaud tombe sur le froid (c'est-à-dire la partie éthérienne sur l'aérienne), le bruit produit le tonnerre, la coloration contre la noirceur de la nuée donne l'éclair, la quantité et la grandeur de la lumière font la foudre, le feu plus corporel le typhon, celui qui est mêlé de nuée, le prestère.— 4· Anaxagore explique les nuages et la neige comme Anaximène; pour la grêle, il pense que lorsque, des nuées congelées, il y a chute vers la Terre de parties déjà refroidies, elles s'arrondissent par la longueur de la descente (?). — 5. Anaxagore : L'arc-en-ciel est un reflet de la lumière solaire sur un nuage épais, qui se montre toujours en face de l'astre réfléchi. Il explique d'une façon semblable les parhélies que l'on observe sur le Pont-Euxin.

14. AÉTIUS, III (Vors. 394, 25, 34) — 15. Anaxagore : Les tremblements de terre sont dus à la pénétration par en dessous de l'air qui rencontre la surface solide et, ne pouvant se dégager, ébranle tous les alentours. — 16. Les eaux stagnantes à l'origine ont été chauffées par le Soleil dans sa course et, la partie plus subtile (?) ayant été évaporée, le reste est devenu salé et amer. — IV, I (393, 11. La crue du Nil vient de la neige qui se forme en hiver dans l'Ethiopie et qui fond en été.

15. AÉTIUS, IV (Vors. 396. 5-7). — 3. L'âme est de nature aérienne. — 5. Pythagore, Anaxagore, Platon, Xénocrate, Cléanthe : L'intelligence s'introduit en venant du dehors. — 9 (393, 23). A. Les sens sont trompeurs. — (Voir Doxog. De Parménide,14.) — (396. 15)Toute sensation est accompagnée de peine. — 19 (397, 30). La voix se produit par le choc du souffle sur ce qu'il y a de ferme dans l'air; ce choc est suivi d'un renvoi vers les oreilles. C'est de la même façon que se produit l'écho.

16. AÉTIUS, V. — 7. (Voir Doxog. de Parménide,15.) — 19 (398, 8). Suivant Anaxagore et Euripide : « Rien de ce qui est ne meurt, mais la dispersion çà et là le montre sous d'autres formes. » — 20 (397, 7). Anaxagore : Tous les animaux possèdent le logos de l'acte, mais non celui de la parole, qui est comme l'intelligence et qu'on appelle l'interprète de celle-ci. — 25. (397, 15) Le sommeil arrive par la fatigue de l'action corporelle; car c'est un effet corporel, non psychique; la mort est la séparation de l'âme.

17. CENSORINUS (Vors. 397, 39-398, 6). — 5. (Voir p. 217 et 243.) —6. Anaxagore pense (que la partie qui se forme la première dans l'embryon) est le cerveau d'où dépendent tous les sens. — Anaxagore et Empédocle sont d'accord pour dire que les mâles naissent de la semence venant du côté droit, les femelles de celle qui vient du côté gauche. — Anaxagore croit que les enfants ressemblent à celui des deux parents qui a fourni le plus de semence.