Edgar Morin et Christiane Taubira : « Pour une poétique des civilisations » Le Monde 29 juil 2017

Basculement du monde (6/6). Edgar Morin et Christiane Taubira insistent sur la nécessité de ne pas séparer la politique de la poétique, face au règne des experts et de la technocratie.

Des intellectuels pour comprendre demain

DENIS DUBOIS

Le monde est marqué par de multiples replis identitaires et semble se diriger vers ce que le professeur américain de science politique Samuel Huntington (1927-2008) a appelé une guerre des civilisations. Les ouvrages d’Edgar Morin qui, dès 1994, développe l’idée d’une « politique de civilisation », et ceux de Christiane Taubira, notamment Nous habitons la Terre (Philippe Rey, 128 pages, 23 février 2017), qui cherche à comprendre ce monde devenu poudrière, permettent de dessiner ce que pourrait être une planète fraternelle.

Invités des Controverses du Monde en Avignon, le 8 juillet, Christiane Taubira et Edgar Morin ont cherché à faire le pari du dialogue des civilisations, grâce à une politique qui s’appuierait sur une poétique, c’est-à-dire sur la puissance créatrice de l’art et des pensées philosophiques capables de saisir la complexité de notre Terre patrie.

Qu’est-ce que la poétique ?

Edgar Morin : Nos vies ont deux polarités : l’une que l’on peut appeler la prose et l’autre la poésie. La prose, c’est lorsque nous sommes obligés de faire des choses sans joie, qui ne nous plaisent pas, nous ennuient et nous forcent.

La domination du chiffre et la compartimentation propres à notre civilisation tendent à asphyxier la poésie. Mais nous résistons. Les surréalistes l’avaient compris, la poésie se récite, se lit, mais surtout, elle se vit. Elle est partout où il y a de l’effusion, de la communication, de l’amour, de la joie et du jeu. Nous la trouvons dans les beautés de la nature, les spectacles de théâtre et de cinéma ou les arts.

Mais aujourd’hui, toute cette part poétique de la vie est menacée. Pour fleurir, elle doit permettre à la fois l’épanouissement et la réalisation du « je » au sein d’une communauté. Si le « nous » étouffe le « je », la poésie s’autodétruit. Prenez les grands rassemblements de Nuremberg, les participants vivaient dans une communion absolue de la supériorité de la race aryenne. Il s’agissait d’une poésie noire où la collectivité submergeait la conscience individuelle.

Pour vivre poétiquement, il faut donc sans cesse dialectiser la raison et la passion pour trouver une navigation entre la passion régulée par la rationalité qui conduit à la démesure, et la raison froide et glacée, reine maîtresse du calcul, qui est une prose terrifiante.

Dans quelle mesure une politique de civilisation pourrait s’appuyer sur une poétique ?

E. M. : Quand je parle de « politique de civilisation », il ne s’agit pas de dire que l’on peut imposer la vie poétique, mais simplement que l’on doit favoriser, dans nos sociétés, l’expression des poésies et faire régresser le poids du déterminisme mécanique, du calcul et de l’intérêt.

Une politique de la poétique se situe à deux niveaux. A l’échelle individuelle, elle peut être comprise comme une tentative de gouverner sa propre vie, de réduire la part de prose et de permettre à la part de poésie de s’épanouir. A l’échelle collective, les Etats et les politiques doivent prendre conscience que la vie humaine n’est pas uniquement le résultat d’une baisse d’impôts ou d’une augmentation des points de produit intérieur brut.

Alors seulement, nous pourrons développer les maisons de la culture, en faire des lieux de poésie beaucoup plus riches. Aujourd’hui, la multiplication des festivals illustre ce besoin de poésie, qui n’est toutefois satisfait, périodiquement, bien souvent que quelques jours dans l’été. C’est un problème fondamental que nous devons nous poser et poser à la pensée politique.

Pensez-vous que la poétique soit aujourd’hui réduite à l’artistique et qu’il faut la réintroduire dans nos vies autrement que par la culture ?

Christiane Taubira : Tout à fait, donner l’hospitalité à la poésie relève d’un art de vivre. Ce n’est pas un surcroît, un supplément d’âme ou un loisir, mais un rapport à la pensée, à la parole et à la relation qui doit structurer la vie.

La poétique est pour moi un acquiescement à la beauté, beauté que l’on trouve aussi dans le tragique. Or c’est cet acquiescement qui nous évite de nous enfermer dans le prosaïque à l’état pur. Edouard Glissant, penseur universel, a profondément exploré ce rapport entre la poétique et la politique.

Aujourd’hui, la politique se réduit de plus en plus aux chiffres, le discours est devenu froid et distant. Or, il y a un réel danger à ce que la politique ignore la poétique. Il y a, chez les hommes politiques, un complexe de la compétence qui les conduit à vouloir démontrer constamment aux citoyens qu’ils sont capables et qu’ils méritent leur place. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de prouver que l’on peut, avec les citoyens, percer un chemin et l’emprunter, mais de démontrer que l’on est capable de comprendre les courbes, d’étudier et de produire des tableaux de chiffres. C’est un malentendu colossal qu’il faut absolument dissiper.

Les politiques ont perdu une importante bataille culturelle devant une armada d’experts, de techniciens qui arrivent, avec talent, à traduire des situations et des solutions en chiffres, en courbes et en éléments tangibles. Les politiques ont renoncé à définir les finalités de cette traduction chiffrée. L’espace politique a rétréci, il n’est plus le lieu où l’on se demande si, au-delà du quotidien et du contingent, nous sommes capables de définir un horizon.

De Gaulle et Mitterrand étaient des hommes de culture, habités par la conversation avec les poètes. A quel moment, politique et poétique se sont-elles détachées ?

E. M. : Au cœur de la Révolution, Saint-Just n’avait pas peur de dire que le bonheur était une idée neuve en Europe. Ce concept a même été longtemps l’une des perspectives fondamentales de la politique. Il était inscrit dans la Constitution américaine.

Le message des Lumières et celui de Jean-Jacques Rousseau ont été syncrétisés par de nombreuses générations. Mais se donner comme finalité le bonheur me semble illusoire, sa poursuite est toujours décevante. Le bonheur, c’est le cadeau qui vous arrive quand vous vivez poétiquement.

Aujourd’hui, ceux qui sont amenés à exercer des fonctions administratives et politiques vivent selon une conception unilatérale et étriquée de l’être humain. Pour eux, homo est sapiens, ils ignorent que homo peut être demens et que la dialectique entre raison et passion est notre seul régulateur. Dans leur conception, homo est faber, un technicien dont on oublie l’affectivité, le besoin de vie et de mystère qu’il va chercher dans la religion. Les responsables politiques ne voient que homo oeconomicus, qui ne serait animé que par l’intérêt rationnel. Ils occultent homo ludens, l’homme du jeu, de la gratuité, du don, qui incarne une part de poésie. Le besoin de poésie même quasi biologique comme jouir devant le soleil, la mer, la montagne et la nature fait partie de nous.

Dans nos collèges, nos lycées et nos universités, on n’enseigne pas la complexité humaine. Nous devons repenser les bases fondamentales de l’homme, pour pouvoir réintroduire son besoin de poésie dans les conceptions et les actions politiques.

Dès lors, qu’est-ce qu’une politique qui prendrait en compte cette poétique ?

C. T. : L’inspiration même de cette question réintroduit un rapport quantophrénique, de quantification et de vérification. Notre mode de raisonnement est tel que l’on veut saisir, à fleur même d’action, ce que la poétique peut apporter en plus à la politique. Or, il ne doit pas y avoir de rapport probatoire entre les deux. Sinon, on sépare de nouveau les sphères.

La poétique nourrit la politique, elle la structure et l’irrigue en permanence, mais ses effets sont intangibles. Je situe la poétique, dans son rapport à la politique, de façon plus organique. Je ne serais pas étonnée qu’un responsable qui ne lit pas et ne va ni à l’opéra, ni au théâtre, ni au concert, puisse comprendre la nécessité de financer un festival.

Mais j’attends davantage de lui, je veux qu’il saisisse qu’il n’a pas le droit de prendre des décisions qui ont des effets sur la vie des gens s’il ne comprend pas ce qui les anime, nourrit leurs émotions et motive leurs actions irrationnelles ou fantaisistes. S’il ne comprend pas tout cela, je pense qu’il faut qu’il s’occupe de sa vie, pas de celle des autres.

Depuis de nombreuses années, je nourris ma pensée et ma compréhension de la vie par mes lectures. C’est ce qui m’a aidée à trouver mon chemin, à le sabrer et à poursuivre.

Avez-vous un exemple d’une œuvre singulière ou d’un phare de l’esprit qui vous ait éclairé dans la grande nuit politique ?

C. T. : La poésie m’a souvent sauvée. C’est une plongée dans le vif des sentiments et des perceptions qui vous renvoie à votre intégrité, à ce qui fait la raison, la sensibilité, le désir, la conscience du moment et la capacité de projection. La philosophie produit aussi cet effet.

Des auteurs comme Edgar Morin, Frantz Fanon et même Friedrich Nietzsche ou Goethe m’ont aidée à saisir l’enjeu de l’instant et à comprendre comment ne pas nuire. Ce sont des philosophes, des essayistes, des poètes, pas des guides du routard. Quand je portais ou luttais contre des textes de loi, bataillais sur des amendements, je lisais aussi. Il n’y a pas un auteur, une page précise ou une ligne qui m’aient tirée d’affaire, mais relire ces auteurs m’a toujours ramenée à l’essentiel.

E. M. : Je ne demande pas à un homme politique d’être cultivé, je connais des gens doués d’une profonde sensibilité et d’une grande intelligence qui n’ont pas de culture, mais un bien meilleur sens que certains agrégés.

Mes propres vérités m’ont été révélées par des œuvres littéraires et cinématographiques. Toute une part de moi-même s’est découverte à travers Anatole France et Dostoïevski. Le premier professait un scepticisme, une autocritique et une ouverture sur l’humanité. Le second m’a ouvert à la souffrance de l’humilié et de l’offensé, m’a donné le sens de la rédemption et du pardon.

La culture est importante parce qu’elle nous aide à mieux connaître l’être humain et à nous connaître. Le roman n’est pas seulement quelque chose qui nous divertit, c’est une plongée dans l’humain, dans les subjectivités qu’aucune science ne nous propose.

La qualité poétique de la vie se manifeste de façon affective, nous ressentons quelque chose qui ressemble à une douce transe. Cette même transe dont les auteurs ont eu besoin pour créer. C’est un état qui peut aller jusqu’à l’exaltation, à la limite de l’extase. Nous sommes des individus séparés mais inséparables et l’état poétique nous le fait ressentir.

C’est un enseignement qui devrait faire partie de l’éducation. Il faut que ceux qui se destinent à une carrière politique ou administrative le connaissent. Le combat de l’homme est toujours en lui, entre les forces de poésie qu’il ressent en profondeur et les forces de prose qui tendent à l’enfermer et à l’asphyxier. C’est l’éternelle lutte entre Eros et Thanatos. Et prendre le parti d’Eros, c’est prendre celui de la poésie.

C. T. : Et de l’amour.

Le terme même de civilisation vous semble-t-il usé ?

C. T. : Non, c’est l’usage qui en est fait. Hölderlin se demandait à quoi servent les poètes par temps de détresse. Dans des moments de très fortes tensions collectives, la poésie est pulvérisée. Si aujourd’hui nous nous interrogeons sur les chocs de civilisations et les confrontations inévitables, c’est parce que ceux qui dirigent le monde le font selon des logiques et des schémas qui conduisent plus volontiers à des belligérances qu’à des disponibilités au dialogue.

Le mot civilisation comprend celui de civilité. Or nos civilisations très armées et très douées pour vendre des armes ont trop oublié cette dimension. Penser les civilisations ne consiste pas à dire qu’il y a des endroits sur Terre où la façon de faire société est plus civilisée que d’autres. Penser la et les civilisations, c’est penser que les êtres humains ont construit des socialités et des cultures différentes.

Edgar Morin rappelait les risques des excès de la raison et de l’évacuation du désir et du besoin de spiritualité. Avec ou sans dieu, avec ou sans majuscule, l’être humain a besoin de transcendance, de penser qu’il n’est pas que chair et muscles. Nous n’avons pas seulement besoin de tracer des courbes, mais de repenser et de nous repenser dans le monde.

Edgar Morin, vous avez mis l’accent sur cette part d’ombre, d’impensé, que Christiane Taubira appelle l’énigmatique. Cette transcendance, quelle que soit sa forme, n’est-ce pas ce que toutes les civilisations ont en commun ?

E. M. : Les progrès conduisent à de nouvelles ignorances. L’avancée fantastique des connaissances scientifiques aux XXe et XXIe siècles sur l’univers, la vie, l’hominisation, les civilisations, etc. a conduit à des inconnues encore plus grandes. L’esprit humain avec ses catégories et ses structures ne peut pas tout comprendre. Nous devons cohabiter avec le mystère, et ce mystère peut avoir quelque chose d’effrayant quand on pense que des trous noirs engloutissent des myriades de tonnes de matière et que l’univers est promis à la mort.

L’une des sources de notre sentiment poétique vient de la conscience que nous sommes des primates, des vertébrés, des cellules, que nous portons en nous l’histoire de la vie depuis les premiers unicellulaires qui sont nos parents.

Walter Benjamin [1892-1940] remarquait qu’à la source de toute civilisation, il y a de la barbarie. Et pas seulement à la source. Quand on voit comment nous traitons les animaux que nous allons consommer et nos rapports au sein de nos propres familles, on constate que la barbarie est bien présente. Montaigne disait qu’on appelle « barbares » les personnes d’une autre civilisation. C’est une manière de recouvrir d’obscurité les qualités des autres cultures. L’étranger est différent dans ses mœurs, dans ses idées, mais il est semblable par sa capacité à jouir, souffrir, aimer et penser.

On revient sur cette idée centrale : l’humanité a une unité fondamentale qui n’est pas seulement génétique, anatomique et physiologique. Mais cette unité se manifeste à travers la diversité des individus et des cultures. L’un des problèmes de la mondialisation aujourd’hui, c’est qu’elle impose le modèle euro-occidental qui opère des destructions épouvantables de solidarité, de qualité de vie, etc. Bien entendu, il y a des apports positifs, et certains progrès sont directement liés à cette occidentalisation, mais il faut toujours voir les deux aspects.

Comment peut-on agir politiquement face à cette mondialisation chaotique, à cette identité plurielle, multiple ? Comment fait-on aujourd’hui pour reconstruire le « nous » ?

C. T. : Il nous faut repenser le monde et notre place. Pour le poète grec, Méléagre de Gadara : « L’unique patrie, étranger, est le monde que nous habitons ; un seul Chaos a produit tous les mortels. » Aujourd’hui, le monde est composé principalement d’Etats-nations, il n’en a pas toujours été ainsi, c’est un produit de l’Histoire. Ce mode d’organisation collective régit le reste de la vie humaine. Parce qu’il y a des Etats-nations, il y a une Organisation des nations unies, un Conseil de sécurité, des obligations de chaque Etat vis-à-vis des autres et des pouvoirs de l’ensemble sur chacun.

Se penser dans le monde n’enlève rien à nos frontières, ne supprime pas les contours de nos cultures ni l’empreinte collective, nationale ou historique des œuvres d’art, mais rappelle la présence du monde, indispensable pour éviter les affrontements.

Indépendamment des organisations institutionnelles et du cadre juridique, nous devons réintroduire cette présence du monde qui a toujours existé. Méconnaître le monde ne le fait pas disparaître. Les cultures dialoguent. Nous ne sommes pas obligés de récuser toutes les frontières pour rétablir cet échange. On constate certaines supériorités technologiques entre les Etats, mais il n’existe pas de monopole de la capacité créatrice. Tous les êtres humains peuvent dépasser leur enveloppe charnelle et les contingences immédiates pour transfigurer leur pensée et proposer une vision.

Le ciel, pour les scientifiques, est composé d’astres morts qui nous envoient leur lumière des millions d’années après leur disparition ; d’autres l’ont peuplé d’anges et d’archanges. Les hommes et les femmes circulent, se parlent, inventent des mots, découvrent d’autres langues, comprennent la musique, traduisent et figurent ce qu’ils ont dans leur tête. Ces échanges permanents assurent une circularité entre les cultures.

E. M. : L’égocentrisme total des Etats-nations rend difficile la moindre action en commun. Regardez comme il a été compliqué d’arriver à un accord sur le réchauffement climatique. Accord qui n’est lui-même qu’une petite réponse aux problèmes de la biosphère et de la planète. Nous devons, par l’esprit, avoir une conscience planétaire, celle que nous formons une communauté humaine de destins confrontés aux mêmes périls immédiats.

L’Histoire a vu beaucoup de métamorphoses. L’Europe d’aujourd’hui est très différente de celle du Moyen Age ou de 1950. Donc la métamorphose est possible, mais nous ne sommes pas encore dans les bonnes conditions psychologiques et sociologiques pour qu’une prise de conscience survienne. Dans le climat d’angoisse actuel, on se referme sur une identité particulière, religieuse ou nationaliste, on occulte l’identité commune.

Donc l’identité ne s’oppose pas à la mondialité, ni le particularisme à l’universalisme ?

C. T. : On peut avoir un enracinement culturel solide et la conscience d’appartenir au monde. Je porte des traces d’Amérindiens, d’Européens, d’Africains et d’Asiatiques. Mon désir et mon plaisir d’être consciente du reste du monde ne m’empêchent pas d’être ancrée dans ma culture amazonienne. Je parle créole et je danse la sanpula ou l’awassa. Le choix n’est pas à faire entre la revendication pathologique d’une appartenance ethnique et le fait d’avoir conscience du monde.

E. M. : Je suis avant tout un être humain, mais je suis aussi un citoyen de la Terre, français, méditerranéen, juif et européen. Quand j’étais petit, j’étais embarrassé de ne pas avoir d’identité une et évidente, mais ce qui a longtemps été pour moi une infirmité est devenu une source de richesses. Nous avons tous une identité multiple, celle de nos deux familles, notre identité locale, nationale… L’identité n’est pas monolithique ou monopoliste, elle est une et plurielle. Et il faut nourrir cette multiplicité.

Où voyez-vous à l’œuvre aujourd’hui cette poétique des civilisations ?

C. T. : Paradoxalement, c’est l’instrument même d’uniformisation, la technologie, qui offre d’inépuisables opportunités pour faire émerger l’extraordinaire diversité des expressions culturelles et artistiques, des modes de vie, ainsi que ces invariants que l’on retrouve dans les interprétations cosmogoniques.

Nous, d’un axe à l’autre de la Terre, si différents et si semblables. Leur circulation, facilitée par ces moyens, révèle autant nos fragilités intrinsèques que ce qu’il y a d’invincible en nous. A courte vue, c’est désespérant car les conflits sont très nombreux ; à plus longue vue, même à notre insu, nous sommes imprégnés de ce qui fabrique un langage qui forge des en-commun.

Christiane Taubira Née à Cayenne en Guyane, dont elle a été la députée de 1993 à 2012, elle est à l’origine d’une loi importante sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Ancienne garde des sceaux, elle a défendu le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages, dont Nous habitons la Terre (Philippe Rey, 128 pages, 9 euros), mais aussi L’Esclavage raconté à ma fille (Bibliophane, 2002), Murmures à la jeunesse(Philippe Rey, 2016) et Mes météores (J’ai lu, 10 septembre 2014), autobiographie intellectuelle et politique.

Edgar Morin est sociologue et philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS. Théoricien de la connaissance, ancien résistant, dissident du stalinisme et infatigable promoteur du « principe espérance », anthropologue de la mort et sociologue du temps présent, Edgar Morin est un omnivore culturel et un penseur fraternel. Il s’est opposé à une science sans conscience et à une raison réduite au calcul, et propose d’enseigner la connaissance complexe qui relie les savoirs. Il a notamment publié Sur l’esthétique (Robert Laffont, 2016) et, en mars, Connaissance ignorance, mystère (Fayard, 192 pages, 17 euros).