Machiavel Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre 1er, Ch. 1, Quels ont été les commencements des villes en général, et en particulier ceux de Rome, Pléiade, p. 379.

 

(....)les hommes travaillant ou par nécessité ou par choix, on observe que la vertu est la plus forte là où le choix a le moins joué ; il y a donc lieu de considérer s'il ne vaut pas mieux préférer, pour la fondation d'une ville, des lieux stériles où les hommes, forcés à être laborieux, moins adonnés au repos, fussent plus unis et moins exposés, par la pauvreté du pays, à des occasions de discorde ? Telle a été Raguse, et plusieurs autres villes bâties sur un sol ingrat. La préférence donnée à un pareil site serait sans doute et plus utile et plus sage, si tous les autres hommes, contents de ce qu'ils possèdent entre eux ne désiraient pas commander à d'autres. Or, comme on ne se peut détendre de leur ambition que par la puissance, il est nécessaire dans la fondation d'une ville d'éviter cette sorte de pays ; il faut, au contraire, se placer dans les lieux où la fertilité donne des moyens de s'agrandir, et de prendre des forces pour repousser quiconque voudrait attaquer, et pour anéantir qui voudrait s'opposer à notre accroissement de puissance. Quant à l'oisiveté que la richesse d'un pays tend à développer c'est aux lois à plier ses habitants aux travaux auxquels l'âpreté du site ne les contraindrait pas. Il faut imiter ces législateurs habiles et prudents qui ont habité des pays très agréables, très fertiles, et plus capables d'amollir les âmes que de les rendre propres à la véritable virtù. Aux douceurs et à la mollesse du climat, ils ont opposé, pour leurs guerriers, par exemple, la rigueur d'une discipline sévère et des exercices pénibles, de manière que ceux-ci sont devenus meilleurs soldats que la nature n'en fait naître même dans les lieux les plus âpres et les plus stériles. Parmi ces législateurs, on peut citer les fondateurs du royaume d'Égypte.