Textes

Foucault
Pouvoirs et stratégies» (entretien avec Jacques Rancière, 1ère éd. : 1977 ; repris dans Dits et écrits II, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, pp. 418-428)

«Il est vrai, me semble-t-il, que le pouvoir est "toujours déjà là" ; qu’on est jamais "dehors", qu’il n’y a pas de "marges" pour la gambade de ceux qui sont en rupture. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut admettre une forme incontournable de domination ou un privilège absolu de la loi. Qu’on ne puisse jamais être "hors pouvoir" ne veut pas dire qu’on est de toute façon piégé.
Je suggèrerais plutôt (mais ce sont là des hypothèses à explorer) :

La lutte des classes peut donc n’être pas le "ratio de l’exercice du pouvoir" et être pourtant "garantie d’intelligibilité" de certaines grandes stratégies.» (pp.424- 425)

 

«Il ne faut sans doute pas concevoir la "plèbe" comme le fond permanent de l’histoire, l’objectif final de tous les assujettissements, le foyer jamais tout à fait éteint de toutes les révoltes. Il n’y a sans doute pas de réalité sociologique de la "plèbe". Mais il y a bien toujours quelque chose, dans le corps social, dans les classes, dans les groupes, dans les individus eux-mêmes qui échappe d’une certaine façon aux relations de pouvoir ; quelque chose qui est non point la matière première plus ou moins docile ou rétive, mais qui est le mouvement centrifuge, l’énergie inverse, l’échappée.
"La" plèbe n’existe sans doute pas, mais il y a "de la" plèbe. Il y a de la plèbe dans les corps, et dans les âmes, il y en a dans les individus, dans le prolétariat, il y en a dans la bourgeoisie, mais avec une extension, des formes, des énergies, des irréductibilités diverses. Cette part de plèbe, c’est moins l’extérieur par rapport aux relations de pouvoir, que leur limite, leur envers, leur contrecoup ; c’est ce qui répond à toute avancée du pouvoir par un mouvement pour s’en dégager ; c’est donc ce qui motive tout nouveau développement des réseaux de pouvoir.» (p.421)

 

«Le rôle de la théorie aujourd’hui me paraît être justement celui-là : non pas formuler la systématicité globale qui remet tout enplace ; mais analyser les spécificités des mécanismes de pouvoir, repérer les liaisons, les extensions, édifier de proche en proche un savoir stratégique. (…) La théorie comme boîte à outils, cela veut dire :