Textes

G Bataille
La philosophie est aussi mise à mort du langage L'érotisme p 292

 

 

Pour ma part — il me semble — en parlant — avoir rendu une sorte d'hommage — assez lourd — au silence. Hommage aussi — peut-être — à l'érotisme. Mais je veux, à ce point, inviter ceux qui m'écoutent à la pire méfiance. Je parle en somme un langage mort. Ce langage, je le crois, est celui de la philosophie. J'oserai dire ici que, selon moi, la philosophie est aussi mise à mort du langage. C'est aussi un sacrifice. Cette opération dont j'ai parlé, qui fait la synthèse de tous les possibles, c'est la suppression de tout ce que le langage introduit qui substitue à l'expérience de la vie jaillissante — et de la mort — un domaine neutre, un domaine indifférent. J'ai voulu vous inviter à vous méfier du langage. Je dois donc, en même temps, vous demander de vous méfier de ce que je vous ai dit. Je ne veux pas finir ici par une clownerie, mais j'ai voulu parler un langage égal à zéro, un langage qui soit l'équivalence de rien, un langage qui retourne au silence. Je ne parle pas du néant, qui me semble parfois un prétexte pour ajouter au discours un chapitre spécialisé, mais de la suppression de ce que le langage ajoute au monde.