Virgile

 

Enéide, IV, 173 - 188

Aussitôt la Renommée parcourt les grandes cités de Libye, la Renommée, plus rapide que tout autre fléau; elle vit de sa mobilité, sa marche augmente ses forces; faible et peureuse d'abord, elle s'élève bientôt dans les airs, elle marche sur le sol, mais sa tête se cache au milieu des nuages. Terre-Mère, dit-on, poussée par sa colère contre les dieux, mit au monde cette dernière soeur de Coeus et d'Encélade : elle a des pieds alertes et des ailes agiles. C'est un monstre effroyable, gigantesque, doté d'autant d'yeux perçants que de plumes sur le corps et, fait prodigieux, d'autant de langues, de bouches sonores que d'oreilles dressées. La nuit, elle vole entre ciel et terre, stridente, dans l'ombre, et le doux sommeil ne lui ferme pas les yeux.
Le jour, vigilante, elle reste perchée sur le faîte des toits ou sur des tours élevées et terrorise les grandes villes, messagère accrochée au mensonge et au mal, tout autant qu'à la vérité.

Enéide, IV, 189 -195

Avec joie, elle remplissait alors les peuples de propos en tout genre et chantait également faits et affabulations: "il est arrivé un certain Énée, né du sang troyen, et la belle Didon juge digne de s'unir à cet homme; maintenant, ils se dorlotent dans le plaisir pendant tout l'hiver -si long ! - oublieux de leurs royaumes et prisonniers de leur honteuse passion."
Voilà ce que la déesse hideuse répand un peu partout sur les lèvres des hommes.