Textes

sur Bach
Paul Valéry, Cahiers (tome 2) « Chapitre : art et esthétique

Miraculeuse Aria de la Troisième Suite en ré majeur de Bach : exemple adorable – où je n’entends ni mélos, ni pathos, ni rien qui ne soit… réel, qui ne se développe en soi-même, et s’expose sous toutes ses faces sans me voir. Intensité de pureté. Nul emprunt au cœur, ni au hasard heureux, ni à moi, ni au passé. 

Quel Présent ! Exemple adorable. Action en soi, qui semble à l’infini de tout objet, pure de tout dessein, volonté isolée, acte pur ; m’ignorant et m’éblouissant…tellement que moi, auditeur, qui après tout, donne existence par mon ouïe et par mon être à ce phénomène, me sens être accidentel – Ma sensation pourrait…se passer de moi. Le systématique ronflement identique rythmé des violoncelles, comme le sol, la masse, la constance sur quoi l’édifice, la croissance, la genèse, la force des cordes hautes s’élève, se meut, s’exalte. 

Bach. Triomphe de la Musique intrinsèque. Rien d’étranger. Tout est sur la table – Pas d’ombres. Pas de sentiment, pas de mystère, autre que celui (qui est le Suprême) de l’existence par soi.

L’Aria de la Suite en ré majeur. Donnant l’idée de l’exploitation totale formelle fermée d’un Possible tout commensurable. La basse représente l’attention. L’Aria de la Suite en ré majeur. Chose sans prix.