Gracq sur Barrès

 

 

Dis-moi qui tu hantes … Je viens de feuilleter un ouvrage consacré à Barrés et illustré de nombreuses photographies de l'époque. Quels intercesseurs il s'est choisi ! quel compagnonnage ! Dans son cabinet de travail, le portrait de Taine, la photographie de Monsieur Renan. Sur les instantanés pris au long de sa vie, des députés moustachus, des quêteuses du Bazar de la Charité, des aumôniers militaires, des bonnes soeurs alsaciennes, des généraux, des missionnaires - Rostand, Déroulède, Anna de Noailles, Maginot, Castelnau, Gyp, Paul Bourget, Jacq ues-Émile Blanche, Marie Bashkirtseff: le dessus du panier de la Belle Époque pour lecteurs de l'lllustralion c'est-à-dire le second choix partout... Pas une figure vraiment haute de l'époque avec laquelle - lui devant qui toutes les portes s'ouvraient - il ait lié amitié ou entamé un débat; on dirait qu'il a employé à les éviter toutes la subtile canne blanche des aveugles. Ni Proust, ni Claudel, ni Valéry, ni Gide, ni Apollinaire , ni Breton n'ont jamais croisé son chemin. Faut-il vraiment croire que pour lui la littérature et la pensée de son temps tenaient dans l'Académie française? Et que penser d'un esprit qui choisit si bien ses interlocuteurs chez les morts, et si mal chez les vivants?