LES DEUX TAUREAUX  ET UNE GRENOUILLE

 

 

Deux Taureaux combattaient à qui posséderait
               Une Génisse avec l'empire.
               Une Grenouille en soupirait.
               Qu'avez-vous? se mit à lui dire
               Quelqu'un du peuple croassant (1).
               Et ne voyez-vous pas, dit-elle,
               Que la fin de cette querelle
Sera l'exil de l'un ; que l'autre le chassant
Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux,
Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse
Du combat qu'a causé Madame la Génisse.

               Cette crainte était de bon sens ;
               L'un des Taureaux en leur demeure
               S'alla cacher à leurs dépens ;
               Il en écrasait vingt par heure.
               Hélas, on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.