Histoire du quinquennat

"Mettons la responsabilité au cœur de la réforme des institutions politiques"
LE MONDE du 05.08.2012
Frédérique Espagnac, Luc Carvounas et Emeric Bréhier, parlementaires

Depuis 1958, la France a connu vingt-quatre réformes constitutionnelles. A l'heure d'en préparer une vingt-cinquième, il ne s'agit pas de moraliser la vie publique, mais de la moderniser. Mais cette modernisation ne saurait être sans conséquence sur le jugement moral de nos concitoyens sur l'activité politique.

L'influence d'un pouvoir se mesure à sa capacité d'agir. A cet égard, reconnaissons que la Ve République restreint la capacité des parlementaires à influer sur la vie des textes de loi. Si des progrès ont été réalisés, grâce à la réforme de 2008, notamment en ce qui concerne le travail en commission, ceux-ci ont été accompagnés d'une restriction des possibilités d'amendements.

De même, si certaines nominations présidentielles (par exemple au Conseil constitutionnel) - dont le passage en commission est obligatoire - peuvent être rejetées par une majorité des trois cinquièmes, la logique voudrait qu'elles ne deviennent possibles qu'après audition et validation à une majorité des trois cinquièmes en commission. Pourquoi ne pas permettre également d'engager un vote de confiance, au Parlement, sur la responsabilité individuelle d'un ministre sans pour autant demander celle du gouvernement dans son entier.

Sur le contrôle de l'action gouvernementale, pourraient être envisagées de nouvelles pistes pour renforcer son efficacité. Parmi elles, la division du travail au sein des commissions : l'une se consacrant à la production législative, l'autre se concentrant sur le contrôle de la mise en oeuvre des textes de loi et sur les études d'impact.

Revaloriser le rôle du Parlement requiert d'accroître l'aide apportée aux parlementaires pour les aider à réaliser leur mission de législateur.

Cette revalorisation est faisable à moindre frais. De pair avec celle-ci, la demande de l'opinion d'une plus grande transparence des moyens accordés aux parlementaires doit être entendue. A cet égard, nous sommes favorables à l'interdiction pour un élu reconnu coupable de corruption - ou de détournement de fonds publics créant un enrichissement personnel - de se représenter à une élection.

Une révision des mécanismes de financement des partis politiques est également souhaitable. Tout comme il faudrait rendre publics les présences aux travaux parlementaires, l'ensemble des indemnités reçues, des subventions attribuées par les parlementaires aux collectivités et aux associations au titre de la réserve parlementaire. Ces règles devront par ailleurs être précisées à l'Assemblée nationale comme cela a été fait au Sénat. Dans cet esprit, il est nécessaire de revoir le mode de parrainage des candidats à l'élection présidentielle.

Nous souhaitons aussi aborder sans fard la question du cumul des mandats, sans oublier celle du cumul des fonctions. Rappelons d'abord que nul membre du Parti socialiste n'a à rougir, puisque chacune des avancées réalisées en la matière le fut à l'initiative de cette formation politique.

Si donc de nouvelles avancées sont indispensables, il convient de savoir distinguer les exécutifs locaux selon les collectivités territoriales et leur taille. La question du curseur est ici essentielle, sauf à méconnaître la réalité du travail d'un élu local ou à ne pas vouloir penser clairement l'organisation administrative de la France.

Il devra d'ailleurs être mis en place un statut de l'élu favorisant la diversification sociologique des représentants de la République. C'est la condition sine qua non pour ne pas voir une catégorie d'individus s'instituer dans la vie publique.

La démocratie devra, à cet égard, faire l'objet d'une réforme ambitieuse, en concertation avec les élus. Nous ne devons pas apporter des solutions démagogiques qui ne régleraient rien.

C'est dans ce cadre également que les compétences de chacune des collectivités territoriales devront être clarifiées, de même que les communautés de communes, d'agglomération et urbaines pleinement reconnues. C'est ainsi que devra être envisagée de nouveau la réforme des modes de scrutin électoraux, en parallèle avec l'ouverture du droit de vote aux étrangers résidant en France depuis cinq ans pour les élections municipales.

Afin de faire face à l'effondrement des taux de participation aux différents scrutins depuis un quart de siècle (à l'exception de l'élection présidentielle), nous sommes favorables à l'instauration du vote obligatoire assorti de la reconnaissance du vote blanc. En outre, il nous semble également opportun d'accorder aux jeunes de 16 ans et plus le droit de vote.

Moderniser nos institutions n'est pas chose aisée. Renforcer et clarifier les responsabilités démocratiques sans démagogie, mais avec une prudente ardeur : voilà notre défi. Remettre au cœur de notre système politique la responsabilité, voilà l'enjeu. Responsabilité des élus et des citoyens : voilà le cœur du système démocratique. C'est à cette aune que doivent être initiées et jaugées les réformes à venir.

Frédérique Espagnac est sénatrice des Pyrénées-Atlantiques ; Luc Carvounas est sénateur et maire d'Alfortville ; Emeric Bréhier est député de Seine-et-Marne.