G Bataille

Travail : satisfaction différée

Le travail exige une conduite où le calcul de l'effort, rapporté à l'efficacité productive, est constant. Il existe une conduite raisonnable, où les mouvements tumultueux qui se délivrent dans la fête et, généralement, dans le jeu, ne sont pas de mise. Si nous ne pouvions refréner ces mouvements, nous ne serions pas susceptibles de travail, mais le travail introduit justement la raison de les refréner. Ces mouvements donnent à ceux qui leur cèdent une satisfaction immédiate: le travail, au contraire, promet à ceux qui les dominent un profit ultérieur, dont l'intérêt ne peut être discuté, sinon du point de vue du moment présent (…)
Il est arbitraire, sans doute, de toujours opposer le détachement, qui est à la base du travail, à des mouvements tumultueux dont la nécessité n'est pas constante. Le travail commencé crée néanmoins une impossibilité de répondre à ces sollicitations immédiates, qui peuvent nous rendre indifférents à des résultats souhaitables, mais dont l'intérêt ne touche que le temps ultérieur. La plupart du temps, le travail est l'affaire d'une collectivité, et la collectivité doit s'opposer, dans le temps réservé au travail, à ces mouvements d'excès contagieux dans lesquels rien n'existe plus que l'abandon immédiat à l'excès. C'est-à-dire la violence. Aussi bien la collectivité humaine, en partie consacrée au travail, se définit-elle dans les interdits sans lesquels elle ne serait pas devenue ce monde du travail qu'elle est essentiellement.