Histoire du quinquennat

Comment François Hollande organise l'Elysée
LE MONDE 04.06.2012
Th Wieder

Le rendez-vous leur avait été donné à 9 h 30 dans le salon Napoléon III, situé au rez-de-chaussée du palais présidentiel. Il y avait là une grande table. Ils se sont tous assis autour, ont pris la parole à tour de rôle pour se présenter brièvement à François Hollande, que beaucoup rencontraient pour la première fois ce vendredi 1er juin. Puis ils l'ont écouté.

Ce fut alors un discours d'environ trois quarts d'heure, au cours duquel le chef de l'Etat exposa sa conception de la fonction présidentielle et fixa quelques règles de conduite aux vingt-neuf hommes et onze femmes qui composent son cabinet.

"La ligne générale du discours, c'était : "J'ai promis un retour à une présidence normale, cela veut dire que l'Elysée doit se remettre à travailler normalement" ", résume un conseiller. Cette "normalité", telle que la conçoit François Hollande, se déclinera sous différents aspects en ce qui concerne le fonctionnement de la présidence.

"UNE ÉPOQUE EST RÉVOLUE"

Le premier point touche aux rapports avec Matignon. "Le président entend respecter à la lettre l'article 20 de la Constitution : "Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation." Le président est là pour impulser, fixer les grandes orientations, trancher sur les sujets graves, mais certainement pas pour faire tous les matins des arbitrages interministériels. L'idée est de revenir à une répartition des rôles classique : à l'Elysée la gestion du temps long, à Matignon celle du temps court", explique Pierre-René Lemas, le nouveau secrétaire général de l'Elysée.

Un conseiller ajoute: "Dans le système Sarkozy, tout avait éclaté, l'Elysée intervenait sur des sujets infimes, le mode de fonctionnement normal des pouvoirs publics était court-circuité. Cette époque est révolue. Là, par exemple, c'est Matignon qui s'est occupé des décrets d'attribution des ministres. Nous avons bien sûr été informés, mais nous n'avons pas fait de super-arbitrage."

Le deuxième point, qui découle du premier, tient au rôle que doit jouer l'équipe de l'Elysée. "Nous avons vocation à être les conseillers normaux d'un président normal", résume M. Lemas. Ce que cela signifie ? Deux choses, essentiellement.

D'abord, que "c'est aux ministres qu'il reviendra de faire les annonces, pas à tel ou tel membre du cabinet d'annoncer telle ou telle décision". Ensuite, que "les collaborateurs du président n'ont pas vocation à s'exprimer dans les médias". Là encore, la volonté de tourner la page est explicite. "Le temps où les Guaino et les Guéant parlaient à la radio ou à la télé, c'est fini", assure un conseiller. S'ils parlent aux journalistes, les membres du cabinet sont censés le faire "off", dans le seul but de "les éclairer sur le sens de telle ou telle décision".

PAS DE PORTE-PAROLE

Contrairement à François Mitterrand et à Jacques Chirac, qui eurent des porte-parole officiels tout au long de leurs mandats, et à Nicolas Sarkozy, qui en eut un pendant les dix premiers mois de son quinquennat, François Hollande a décidé de s'en passer.

Deux hommes, néanmoins, joueront de facto ce rôle : Romain Nadal, ancien porte-parole du Quai d'Orsay, pour les questions diplomatiques, et, pour les autres sujets, Aquilino Morelle, devenu la "plume" de François Hollande, ces derniers mois, après avoir été directeur de campagne d'Arnaud Montebourg pendant la primaire socialiste. Ils n'ont cependant pas vocation à s'exprimer en "on" dans la presse comme ce fut le cas de Franck Louvrier sous le quiquennat de Nicolas Sarkozy.

Le poste de conseiller en communication est occupé par deux personnes : Christian Gravel, ancien directeur du cabinet de Manuel Valls à la mairie d'Evry, qui s'est rapproché de François Hollande au cours de la campagne en l'accompagnant lors de tous ses déplacements, et Claudine Ripert-Landler, ex-chef de cabinet de l'Association des régions de France, qui connaît le chef de l'Etat depuis Sciences Po.

Une réunion du pôle communication a lieu chaque matin, à 10 heures, dans le bureau du secrétaire général, après la réunion quotidienne d'une heure qui rassemble, autour de M. Lemas, la dizaine de collaborateurs les plus proches du président, lequel a prévu d'y assister une fois par semaine.

LE BUDGET DE LA PRÉSIDENCE VA DIMINUER

Avec M. Sarkozy, cette réunion quotidienne, fixée un peu plus tôt, à 8 h 30, avait pris plusieurs formes successives. Présidée au départ quotidiennement par le chef de l'Etat, entouré lui aussi d'une petite dizaine de conseillers, elle s'était ensuite élargie à une douzaine de collaborateurs, et le président avait finalement décidé de ne plus y assister.

Le dernier aspect de la "normalisation" voulue par le chef de l'Etat vise le fonctionnement quotidien de l'Elysée. "Le budget de la présidence diminuera sensiblement", indique-t-on. Des décisions ont déjà été prises : la réduction de 90 à environ 60 du nombre de personnes affectées à la sécurité du président, la diminution du parc automobile, avec "des voitures hybrides de taille plus modeste". Aucun conseiller n'aura de rémunération supérieure à celle du chef de l'Etat. C'est aussi dans "cette logique de sobriété et de simplicité" que devrait être prise la décision de ne pas organiser de garden-party à l'Elysée le 14 juillet.