palimpseste Chroniques

Le premier ministre victime du quinquennat
F Fressoz 2012

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Et s’il n’y avait plus de premier ministre ? Juste un président de la République face au Parlement dans un régime présidentiel clairement assumé, sans droit de dissolution ?

La question n’est pas à l’ordre du jour, elle ne fait pas partie des réflexions de la commission Jospin sur la rénovation et la déontologie de la vie publique qui devrait rendre ses conclusions début novembre. Et pourtant elle se pose avec acuité car quelque chose fonctionne mal dans les institutions, ajoutant à la crise économique une crise de gouvernance particulièrement mal venue.

Deux exemples dans l’actualité récente : les difficultés de Jean-Marc Ayrault, le manque d’autorité qu’on lui prête, la propension du chef de l’Etat à traiter directement avec tel ministre ou tel responsable socialiste par-dessus la tête de son premier ministre, ce qui aggrave encore son cas. Elles ne résultent pas seulement d’un tâtonnement dû à dix années d’opposition, aggravé par le fait que ni François Hollande ni Jean-Marc Ayrault n’avaient été ministres avant d’être propulsés au sommet de l’Etat.

Ces difficultés sont directement liées aux effets du quinquennat. Jean-Marc Ayrault connaît les mêmes affres que François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, le premier qualifié de "collaborateur" par Nicolas Sarkozy et "de M. Nobody" par la presse, le second subissant tout au long de ses quatre années passées rue de Varenne l’ombre portée de Nicolas Sarkozy, qui apparaissait comme l’homme fort du gouvernement, à l’image de ce qu’est aujourd’hui Manuel Valls, le tout puissant ministre de l’intérieur.

Le premier ministre n’a jamais eu la tâche facile sous la Ve République mais depuis le quinquennat tout s’est aggravé pour lui : il ne sait plus qui il est ni ce qu’on attend de lui. Il n’est plus vraiment le chef de la majorité parlementaire puisque les députés doivent leur élection à la dynamique de la campagne présidentielle.

Il n’est plus le paratonnerre du président de la République puisque ce dernier doit mouiller sa chemise quotidiennement pour prouver qu’il préside. S’il n’est qu’une doublure, son autorité est nulle et s’il est plus qu’une doublure, il devient une menace pour le président.

Son malaise est d’autant plus grand que le Parlement avec qui il traite quotidiennement est lui aussi malade. Il souffre de ne pas suffisamment décider et de mal contrôler, et cela se voit de plus en plus. Il vient de se faire pigeonner par le mouvement patronal les Pigeons qui s’est répandu comme une traînée de poudre sur Internet et a fait reculer le gouvernement en deux temps trois mouvements, sans que le moindre député ait eu son mot à dire.

Sur son blog, Christian Eckert, député socialiste de Meurthe-et-Moselle et rapporteur général du budget, dit tout haut ce que beaucoup d’élus de base pensent tout bas : le pouvoir leur échappe.