Elysées 2012

Non à un président tenté par le pétainisme !

J'ai la conviction que le vote que j'ai exprimé au premier tour de cette élection présidentielle en faveur de François Bayrou était - dût-on se gausser de la ringardise du concept - le plus "patriotique". L'occasion n'a pas été saisie. Des erreurs, de fond et de formes, ont évidemment contribué à consommer cette contre-performance. Cela ne modifie nullement l'analyse qui m'a conduit à refuser, dans un premier temps, un choix binaire entre un dénouement qui engendrerait une grande catastrophe et un épilogue dont on peut craindre qu'il débouche sur une immense désillusion.

Au second tour, il faut cependant trancher. Entre une fatalité et un risque. Rien ne pourrait éviter la grande catastrophe. Il est peut-être possible de limiter la désillusion. Ou de la dépasser.

Surtout, pour la première fois depuis plus d'un demi-siècle, un président de la République en exercice, candidat en mesure de l'emporter, vient de réactualiser, et donc de légitimer, une rhétorique ouvertement pétainiste. Non, pas de récupération des voix du Front national, ce qui ne me choque pas, pas même de reprise de certains de ses thèmes, ce qui n'est pas condamnable en soi, mais tentative de débordement sur sa droite en osant ce que Marine Le Pen, elle, n'avait jusqu'ici jamais osé.

Donc pas d'hésitation possible : il convient de tourner la page.

On ne saurait reconduire un sortant qui n'a présidé qu'à des régressions. Qui a exacerbé, jusqu'à la caricature, la monarchisation de notre République. Qui s'est nourri de l'exploitation de tous les antagonismes et de l'instrumentalisation de toutes les tensions. Qui a enchaîné la nation aux à-coups incohérents de ses humeurs narcissiques. Dont les échecs flagrants en matière de politiques migratoire et sécuritaire ont permis au Front national de presque doubler ses suffrages en cinq ans et qui, aujourd'hui, rend à Maurras ce qu'il retire à Jaurès, à Clemenceau, à de Gaulle et à Mendès France.

Au demeurant, quel citoyen lucide revoterait pour un président de gauche s'il affrontait son suffrage avec un tel bilan ?

L'alternative qui s'offre à nous ne me convient toujours pas, d'autant que les deux forces qui vont s'affronter sont coresponsables de la poussée lepéniste. Mais nous sommes placés devant l'exigence du vote républicain. Aucune voix démocrate ne doit faire défaut. On sait qui sera élu, mais le pire, désormais, serait qu'il soit élu de justesse. Pourquoi ne pas construire dans les urnes les convergences que les conservateurs et les pusillanimes des deux bords, y compris officiellement le candidat de gauche, refusent encore dans les faits ?

Les prochains affrontements seront rudes. Même ceux qui ont voulu les éviter ne pourront plus les déserter.