Histoire du quinquennat

«On recrute dans des milieux surmasculinisés»

Le modèle de l’homme blanc s’est imposé dans le recrutement des cabinets ministériels. C’était prévisible ?

Tellement probable. C’est surtout un problème de réservoir. Les membres des cabinets se recrutent soit dans la haute administration, soit dans le vivier des militants. Dans les deux cas, ce sont des milieux surmasculinisés. Dans la haute administration, ils sortent pour la plupart de l’ENA. S’il arrive qu’une femme en sorte major, et s’il y a maintenant une année de prépa à l’ENA dédiée aux jeunes issus de la diversité, on est très très loin de l’égalité. Il faut ajouter que ces postes sont des boulots d’enfer, qui nécessitent d’être corvéables 24 heures sur 24. Les femmes sont sans doute moins enclines à l’accepter. Dans le détail, les postes de chargés de mission sont surtout occupés par des trentenaires. L’âge où l’on se décide ou non de s’investir dans une vie familiale.


Le gouvernement a pourtant affiché parité et diversité. C’est une façade ?

Au contraire, c’est un tour de force. Quand on pense aux mécanismes de sélection sociale selon les métiers, quand on sait qu’en termes d’élite ce sont surtout les mâles - j’ose le mot - qui émergent, je parlerai presque de prouesse. La politique, la conquête du pouvoir comme un trophée, reste un univers très masculin, viril, dominant. Je ne fais pas un compliment à mon genre, mais c’est la réalité. Songez qu’il a fallu attendre 1986 pour qu’une femme devienne agrégée de sciences politiques. Dans ce gouvernement qui aligne 17 femmes pour 17 hommes, on a fait preuve de volontarisme, quitte à ce que ce soit un peu artificiel. La plupart des ministres, sauf les quelques-uns issus de la société civile, se recrutent au Palais Bourbon. Or on sait bien que, dans ce vivier parlementaire, il n’y a pas plus de 20% de femmes.


Y a-t-il davantage un problème de diversité que de parité ?

Certainement. Mais il faut dire que les questions de parité sont débattues depuis plus longtemps. La cause des femmes a commencé à être vraiment plaidée sous VGE, alors que la diversité ne préoccupe que depuis les années 90. Avec le handicap de notre attachement au modèle d’intégration plutôt que le communautarisme. Je pense aussi que les questions de diversité sont plus difficiles à manier. On peut toujours citer des trajectoires qui sortent de l’ordinaire, comme celle du Franco-Togolais Kofi Yamgnane, maire d’un village breton devenu secrétaire d’Etat sous Jospin, mais les élites sont très loin du métissage. De plus, selon des sociologues, ce sont les jeunes femmes issues de la diversité qui s’en sortent le mieux. On retombe sur les difficiles questions de parité.


L’espoir d’un changement ?

C’est difficile de lutter contre les déterminismes sociaux. On avance doucement. Mais le temps social, celui du renouvellement des générations, n’est pas celui du temps politique et de ses échéances de plus en plus rapprochées.