Histoire du quinquennat

Rio+20 : pour la presse internationale, "il n'y a pas grand chose à espérer"
Le Monde du 20.06.2012

C'est le plus grand événement jamais organisé par l'ONU et considéré par son secrétaire général, Ban Ki-Moon, comme "trop important pour échouer". Mercredi 20 juin, 130 chefs d'Etat et de gouvernement étaient attendus à Rio de Janeiro pour participer à la conférence pour le développement durable Rio+20, vingt ans après le premier Sommet de la Terre à Rio, en 1992.

Il y a vingt ans, deux conventions avaient été adoptées à l'issue de ce rassemblement inédit : l'une concernait la lutte contre le réchauffement climatique, l'autre, le maintien de la biodiversité. Cinq ans plus tard, en 1997, était signé le Protocole de Kyoto, imposant aux pays signataires de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais à l'ouverture d'un nouveau sommet mondial pour l'environnement, les espoirs sont presque inexistants. La presse internationale exprime un scepticisme sans comparaison.

DÉSILLUSIONS PROFONDES

Pour le New York Times, la période actuelle explique ces désillusions. La conférence de Rio, qui compte pas moins de 50 000 participants, "est éclipsée par les crises politiques et économiques sévissant dans le monde", reconnaît le quotidien américain. Preuve de ce désintérêt, le président américain Barack Obama, le premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel "se tiennent à distance, préoccupés par leurs politiques nationales et le désarroi financier qui règne en Europe".

Contexte international oblige, les attentes vis-à-vis du sommet "restent faibles", regrette de son côté le Christian Science Monitor, "du fait des nombreux malheurs économiques qui touchent l'ensemble du monde". Mais pour le Guardian, cette excuse ne tient pas. La "vraie raison" de ce désintérêt n'est pas la crise financière, mais bien le fait que "le temps de l'espoir et de l'idéalisme est fini". Alors que le sommet de 1992 avait, en peu de temps, "mis en place l'agenda environnemental des vingt années suivantes", désormais, "on met quinze ans pour n'arriver à rien dans les négociations, et cela est vu comme quelque chose d'extraordinaire", critique le journal britannique.

DIVERGENCES D'INTÉRÊTS ENTRE ÉTATS

Selon plusieurs titres internationaux, le vrai problème règne en fait dans le manque de consensus politique entre pays développés et en développement. Très pessimiste, le magazine américain Time estime que les Etats sont incapables de coopérer, "au moment même où ils doivent se réunir". Affirmant que "la planète est en péril" - avec 43 % de la surface de la Terre affectée par l'activité humaine, et seulement quatre objectifs environnementaux enregistrant des progrès sur quatre-vingt-dix -, Time juge néanmoins que "la très mauvaise nouvelle" est ailleurs : "C'est que nous sommes totalement incapables de remédier à tout cela." Pour le magazine, l'échec du sommet de Copenhague en 2009 en a été la preuve : à partir de là, "il est devenu clair que les pays ne trouveraient jamais un accord (...) pour régler la crise climatique."

D'autant plus qu'en vingt ans, "les équations politiques et économiques ont beaucoup changé" : "les leviers de négociation sont passés entre les mains des pays émergents", tels que la Chine, l'Inde, la Russie ou le Brésil, analyse India Today. Malgré ces changements, l'hebdomadaire indien juge que les enjeux sont restés les mêmes entre les Etats depuis 1992 : une division croissante entre riches et pauvres, et la réticence des pays industrialisés à payer pour les émissions du passé. "Si l'après Rio 1992 a été si décevant, peut-on vraiment attendre un miracle de Rio 2012 ?", déplore-t-il.

S'ATTAQUER AUX VRAIS PROBLÈMES

Car même si la volonté de cette conférence "est louable", les problèmes évoqués pendant le sommet ne sont pas les bons, explique le Telegraph : "L'ONU et de nombreux hommes politiques ont choisi de s'attaquer aux problèmes à la mode, comme le réchauffement climatique et l'économie verte, plutôt que de se concentrer sur des choses beaucoup plus importantes, telles que la pollution de l'air et de l'eau", dénonce le journal. Il rappelle que pour les populations les plus pauvres, la priorité n'est pas de vivre de façon écologique, mais simplement de survivre. Sans compter que 13 % des décès dans les pays du tiers-monde sont dûs à la pollution de l'air et de l'eau. En comparaison, les morts liées aux conséquences du réchauffement climatique - inondations, sécheresse, vagues de chaleur - ne représentent que 0,06 % des décès dans les pays en développement.

Dans un éditorial publié sur le site de la chaîne Al-Jazira, l'économiste Jeffrey Sachs, président de l'Institut de la Terre à l'université de Columbia, en appelle ainsi à une prise de conscience et à de véritables actions après cette conférence. "Nous devons reconnaître qu'avec sept milliards d'humains, et neuf milliards d'ici à 2050, notre capacité à détruire les systèmes qui maintiennent la planète en vie est sans précédent", alerte-t-il. Selon lui, mieux vaut ne pas adopter un traité à l'issue de ce sommet, mais plutôt des objectifs de développement durable, "qui vont pousser une génération à agir".

TOUT N'EST PAS PERDU

Alors que l'incertitude règne, quelques médias, tels que The Independent, tentent néanmoins de rassurer sur les résultats de ce sommet de la Terre. Malgré les échecs qui ont suivi la conférence de Rio en 1992, il y a "peut-être" des raisons d'espérer, assure le journal britannique. "Il y a toujours une chance réaliste que le terme de croissance économique soit redéfini, pour inclure les notions de qualité environnementale, de biodiversité et de stabilité sociale" estime-t-il. Si des objectifs de développement durable sont clairement définis, "il permettrait de donner des repères pour mesurer les progrès environnementaux dans le monde", envisage The Independent. "Ces ambitions, elles, sont réalistes".

Lundi 18 juin, le New York Times, plus optimiste, assurait que tout n'était pas "complètement perdu". Certes, depuis vingt ans, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de près de 50 %. Mais les énergies solaires et éoliennes se sont développées "plus rapidement que prévu", rappelle le quotidien. Sans compter que leurs coûts se réduisent nettement. "La révolution des énergies solaires et éoliennes commence à peine. Mais avec de la détermination (...) l'optimisme pourrait bien être à l'ordre du jour quand Rio+30 se présentera."

Valentine Pasquesoone