Trois règlesLa règle de l'efficacité
C'est
la première donnée qui frappe cet auteur dès 45 : l'abandon
de toute considération morale, de tout humanisme : la fin justifie les
moyens or comme il serait question de survie, de survie culturelle, tout
est bon à prendre, à saisir.
Cette règle suppose deux préalables indissociables:
l'hyperbole eschatologique :
le conflit en jeu n'est pas un conflit ordinaire
visant à conforter ou élargir des zones d'influences; il ne s'entend pas
comme une conséquence regrettable de rapports de force économiques, mais au
contraire comme l'ultime combat pour l'être. L'utilisation nazie du règne
des mille ans n'est évidemment pas anodine. Combat de titans qui ne peut
s'achever que par la destruction de l'autre, où l'on joue, pieusement,
l'argument de la légitime défense, mais sans y insister, où l'autre,
identiquement veut votre destruction.
Il faut bien le comprendre : c'est bien cette perspective eschatologique qui
rend caduque toute mise en question morale. Savoir si oui ou non les moyens
déployés valent l'enjeu est de peu de poids quand se joue l'être même d'un
peuple.
1e exemple :
C'est
notamment ce que l'on peut observer dans cette affiche où les USA sont
représentés comme un robot - un androïde - écrasant tout sur son passage, où
la culture traditionnelle allemande, représentée à droite par des édifices
historiques s'opposent à la mécanique, aux armes, au disque aussi (entendons
par là le jazz, musique nègre honnie entre toutes). Un ennemi tapageur, la
grosse caisse - énorme (le gigantisme face à la petitesse de la culture
européenne) mais un ennemi pleins de contradictions (raciste par la
référence au KKK) ségrégationniste ( les noirs en cage) . Un ennemi qui ne
cherche pas seulement à envahir, mais un ennemi qui va imposer son modèle
(le drapeau est le seul élément de couleur avec l'incendie du Reichstag
et le sang englué sur le pied du monstre en forme d'obus- comme si celui-ci
était le résultat de celui-là) . Les valeurs des USA ? les dollars et les
bombes c'est-à-dire, à bien y regarder les leitmotive du complot juif, par excellence -
d'où l'étoile de David qui figure en deçà de la grosse caisse, à l'endroit
même de la génitalité monstrueuse, comme sa vérité cachée. C'est
-l'expression figure sur l'affiche - le triomphe du cynisme.
la mise en perspective historique :
aussi paradoxal que ceci puisse paraître les courants
idéologiques les plus éloignés du marxisme, et, notamment les pensées
d'extrême droite aussi bien que les pragmatismes libéraux du XXe siècle ont
une réelle prédilection pour les philosophies de l'histoire. Que ce soit
pour justifier des orientations économiques rendues incontournables par une
mondialisation inévitable, ou pour justifier une guerre (par
exemple celle de l'Irak) on s'appuie presque toujours sur cet argument
d'autorité au moins autant que de fait : le sens de l'histoire. Histoire qui
pousserait nécessairement le vent de la démocratie (ibid.),
histoire qui pousse nécessairement le communisme à étendre sa domination sur
le monde entier, la démocratie américaine à épuiser la culture européenne et
la soumettre à ses propres valeurs.
C'est d'ailleurs une des
caractéristiques de la propagande nazie que d'ainsi jouer alternativement sur
l'argument de l'histoire et de la nature selon les interlocuteurs auxquels
cette propagande s'adresse : nature quand il s'agit de mettre en avant la
capacité de résistance du peuple allemand - de la race ; histoire quand il
s'agit de désigner la déchéance proche du Royaume Uni - bientôt avalé soit
par l'ogre américain soit la
pieuvre soviétique
!
La règle de la peur
Leni Riefenstahl
Le triomphe de la volonté
Nuremberg 1934
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1) voir sur le site de
Persée
2)
Edmond Vermeil Politique étrangère Année
1945 Volume 10 Numéro 1 pp. 33-52
3)
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