Histoire du quinquennat

"La droitisation de l'UMP
n'est pas la cause de la défaite",
selon la Droite populaire
LE MONDE du 19.06.2012
Alexandre Lemarié

"Non, ce n'est pas la stratégie de droitisation qui est à l'origine de la défaite de l'UMP aux législatives", répètent en chœur au Monde les élus de la Droite populaire, ce "collectif" situé à l'aile droite de l'UMP.

"Les donneurs de leçon feraient mieux de prendre le temps de la réflexion au lieu de régler leurs comptes", répond ainsi l'ancien ministre chargé des transports et cofondateur du collectif, Thierry Mariani, aux modérés qui dénoncent "la dérive droitière" du parti et la porosité avec le FN, illustrée par la stratégie du "ni-ni" dans l'entre-deux-tours.

Les modérés de l'UMP - François Baroin et Jean-Pierre Raffarin en tête - ont critiqué, lundi 18 juin, la course aux électeurs du FN, dans la lignée de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. "A trop courir derrière le Front national, on le crédibilise", a mis en garde l'ancien ministre de l'économie, sur RTL. L'UMP doit "clarifier ses valeurs" vis-à-vis du FN, a aussi prévenu Alain Juppé, dans un entretien au Monde. "On a une défaite lourde qui condamne la stratégie de droitisation", a tranché la sénatrice UMP Chantal Jouanno.

"Ce n'est en aucun cas un problème de ligne politique", affirme M. Mariani, qui enrage contre Mme Jouanno, "élue facilement à la proportionnelle avec des grands électeurs..." "L'échec tient au fait que les Français ont voulu donner une majorité au président élu", balaie d'un revers de la main celui qui l'a emporté dans la 11e circonscription des Français de l'étranger.

"TAUX DE MORTALITÉ LE PLUS IMPORTANT"

Dans le sillage de la stratégie impulsée par Nicolas Sarkozy et son conseiller Patrick Buisson, lors de la campagne présidentielle, la stratégie consistant à s'adresser aux électeurs du FN n'a pourtant pas toujours été fructueuse aux législatives. Nadine Morano, battue en Meurthe-et-Moselle, en est le témoin. Le député sortant de Gironde, Jean-Paul Garraud, qui s'était interrogé sur "la pertinence du maintien d'un cordon sanitaire autour du FN", a aussi été battu ; il est l'un des 21 élus de la Droite populaire défaits dimanche sur les 43 membres du collectif.

"On a le taux de mortalité le plus important", reconnaît M. Mariani, qui livre une explication à cette hécatombe. "Ces élus ont été battus car ils se présentaient dans des circonscriptions difficiles et non bourgeoises, comme d'autres... Ce n'est pas dû à la ligne politique qu'ils incarnaient", veut-il croire.

"MANQUE DE DROITISATION DES ACTES"

"Nos élus subissent le contrecoup de la défaite générale", minimise le député des Alpes-Maritimes, Lionnel Luca, cofondateur de la Droite populaire, réélu au premier tour. "Ce n'est pas la droitisation du discours qui fait perdre l'UMP, c'est le manque de droitisation des actes. Sous le gouvernement sortant, les moyens et les résultats étaient insuffisants. Les gens attendaient le 'Kärcher', ils ne l'ont pas eu... Du coup, on a le vote FN", estime-t-il. "Une phrase de Sarkozy en 2007 résume cet état de fait : 'Quand la droite n'est pas la droite, on a l'extrême droite'", apprécie-t-il.

Pas question de changer de ligne, selon eux. Au contraire. La meilleure stratégie serait de continuer à affirmer "les valeurs". Autrement dit de rester ferme sur les questions d'immigration, de sécurité ou le refus de "l'assistanat". "L'opinion est à droite. Il faut donc être forts sur l'identité nationale ou la nécessité de contrôler les flux migratoires", souligne le député des Yvelines, Jacques Myard, réélu dimanche.

GARE AU "RECENTRAGE"

Dans leur esprit, un recentrage de la ligne du parti, qui peine déjà à contenir le FN, serait dangereux. L'UMP serait alors moins armée pour endiguer la poussée de l'extrême droite, en particulier dans le Sud-Est.

Défait en Seine-Saint-Denis, Eric Raoult pense même que "la responsabilité de l'échec" aux élections législatives revient à "la course au centre au sein de l'UMP".

Alors que certains, tels Jean-Pierre Raffarin, s'inquiètent de la faiblesse de la place du centre au sein de l'ancienne formation majoritaire, l'aile droite de l'UMP juge au contraire qu'il n'y a pas à se préoccuper de cette tendance. "Raffarin se trompe, le centre n'a aucune solution", juge ainsi M. Myard. M. Luca est encore plus définitif. Selon lui, les modérés "portent une responsabilité dans les hésitations de Nicolas Sarkozy pendant son quinquennat et donc dans la défaite aux législatives."

Pour M. Raoult, "le manque d'unité derrière le secrétaire général du parti", Jean-François Copé, mais aussi la déclaration de candidature de son rival François Fillon à la tête de l'UMP - avant le premier tour des législatives - peuvent aussi "vraisemblablement" avoir "fait perdre des voix". Plutôt que de remettre en cause leur "logiciel", le maire du Raincy et M. Myard accusent leurs adversaires du PS d'avoir "récupéré le vote communautaire, en draguant les jeunes des quartiers".


La droitisation défendue aussi chez Hortefeux

L'affirmation, selon laquelle la droitisation  de l'UMP serait la cause de la défaite du parti, n'est pas contestée que dans les rangs de la Droite populaire.

 "C'est une vision erronée de la réalité des chiffres, assure aussi le secrétaire national UMP, Geoffroy Didier, conseiller politique de M. Hortefeux, car quand on compare les résultats du second tour de la présidentielle et des législatives, on se rend compte que Nicolas Sarkozy a fait un meilleur score que la droite dimanche [48,5 % contre 47 %]."

 Pour ce dernier, un recentrage de la ligne politique serait très dangereux. "La ligne actuelle permet de contenir la poussée du FN. Si on ne la suit pas, l'extrême droite fera 25 % la prochaine fois !", pense-t-il.


Un élu de la Droite populaire pose la question des alliances entre UMP et FN

Le député de la Droite populaire (aile droite de l'UMP) Philippe Meunier, réélu dans le Rhône, a estimé, mardi 19 juin, que l'UMP doit tirer les conséquences des législatives, "notamment en terme d'alliances" avec le FN, et compare dans un communiqué l'immigration à une "colonisation".

 "La cohésion nationale du pays est mise à mal par une mondialisation totalement débridée qui ne sert que les intérêts d'une minorité et de plus en plus de départements sont frappés par une immigration qui prend l'allure d'une colonisation", affirme le député.

 Selon lui, "obligation est faite à tous les élus et les adhérents de l'UMP de faire face à leur responsabilité" pour tirer toutes les conséquences de l'échec de la droite et du centre "notamment en terme d'alliances. Ne pas trancher serait suicidaire", conclut M. Meunier.