Elysées 2012

Bruit de bottes

Fressoz Le monde

 

Faut-il que la patrie soit à ce point en danger pour que Jean-François Copé et quelques autres à l'UMP sortent de leur chapeau ce "serment d'allégeance aux armes de la France", qui claque comme une déclaration de guerre ? Tout jeune Français arrivé à l'âge de la majorité serait tenu de le prêter. De même que tout demandeur d'acquisition de la nationalité française au moment de sa naturalisation, histoire de ne pas se tromper de drapeau. Et tant pis si la conscription a été supprimée par la droite en 1995 ! C'est comme s'il nous fallait une bonne guerre pour que tout s'arrange. Aux armes citoyens !

D'aucuns ont vu dans l'idée de ce serment d'allégeance une resucée du débat sur l'identité nationale que le même Jean-François Copé avait appelé de ses voeux en octobre 2009 et que Nicolas Sarkozy avait refermé quelques mois plus tard, en y laissant des plumes. D'autres ont cru déceler dans cette initiative un énième épisode de la rivalité droite-extrême droite, laquelle ne se laisse pas facilement attraper, dénonçant un copié-collé américain pas vraiment de chez nous. Osons ici une troisième explication : la droite se noie, elle s'accroche au drapeau comme à une bouée de sauvetage. En 2007, elle invoquait le Kärcher pour déclarer la guerre aux délinquants, mais cette bataille-là est perdue. Alors, de la sécurité intérieure elle passe à la défense, ressuscite l'ennemi extérieur pour affronter la gauche qui, si l'on écoute Jean-François Copé, serait prête à sacrifier la défense nationale sur l'autel du social, de l'écologie et du pacifisme réunis !

L'histoire qu'elle raconte est si manifestement irréelle et caricaturale que la consternation gagne son propre camp. "Nous ne sommes pas en 1937 ou 1938, où c'était dans les armes que s'exprimait l'attachement aux valeurs de la République, parce que l'ennemi était à nos frontières", s'insurge Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie. "Nous ne sommes pas au Moyen Age, nous ne sommes pas en guerre, la France ne court pas de risque", martèle Arno Klarsfeld, qui vient tout juste d'être nommé président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration par Nicolas Sarkozy. Et pendant ce temps que fait le président ? Il raconte ses guerres, comme le relate Emmanuel de Waresquiel, dans une longue tribune parue dans Libération du 20 septembre. Convié à un repas présidentiel, l'historien a entendu le président raconter l'épopée géorgienne avec force détails et fanfaronnades et la guerre en Libye, "sa guerre", avec référence appuyée à Lawrence d'Arabie. "Il y a chez lui l'envie de prouver que d'histoire, il n'y a que lui", note ce témoin. La guerre, quand tout le reste vous échappe.